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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/383

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puissance », dit l’apôtre, « qui ne vienne de Dieu ».
Que dites-vous ? Tout prince a été ordonné prince par Dieu ? Ce n’est pas là ce que je dis, répond l’apôtre ; car je ne parle pas des princes individuellement, je ne m’occupe que de l’institution en elle-même. Qu’il y ait des principautés, que les uns commandent, que les autres soient commandés, que toutes choses ne soient pas livrées au hasard, à la débandade, que les peuples ne soient pas comme les flots, emportés de côté et d’autre, c’est là ce que j’appelle une œuvre de la sagesse de Dieu. Aussi l’apôtre ne dit pas : car il n’y a pas de prince qui ne vienne de Dieu, mais c’est de l’institution elle-même qu’il parle, et il dit : « Qu’il n’y a point de puissance qui ne vienne de Dieu, et les puissances qui existent ont été ordonnées par Dieu ». De même quand le Sage dit : « C’est par le Seigneur que la femme est appropriée à l’homme » (Proverbes, 19,14), il affirme que le mariage est institué par Dieu, et non pas que c’est Dieu lui-même qui marie tel homme à telle femme ; car nous voyons souvent de mauvais mariages, qui ne sont pas conformes à la loi du mariage, et nous ne devons pas les attribuer à Dieu. Il ne dit pas autre chose que ce que le Christ a dit lui-même : « Celui qui créa les hommes, dès le commencement, les créa mâle et femelle ; et il dit : Pour cette raison, l’homme quittera son père et sa mère, et s’attachera à sa femme ». (Mt. 19,4-5 ; Gen. 2,24) Comme l’égalité est souvent une cause de guerre, Dieu a établi un grand nombre de suprématies et de positions subordonnées, comme les rapports de l’homme et de la femme, du fils et du père, du vieillard et du jeune homme, de l’esclave et de l’homme libre, du prince et du sujet, du maître et du disciple. Et qu’y a-t-il d’étonnant qu’il en soit ainsi parmi les hommes, puisque dans le corps même, Dieu a établi le même ordre ? En effet, il n’en a pas fait toutes les parties également considérables, il a voulu que telle fût moindre, telle, plus importante que telle eût le commandement des autres membres, que telle autre n’eût qu’à obéir. Même loi chez les animaux, tels que les abeilles, les grues, les troupeaux de brebis sauvages. Et la mer, à son tour, n’est pas privée de ce bienfait de l’ordre ; là aussi grand nombre de familles de poissons se rangent, combattent sous un commandement qui les unit, et peuvent ainsi accomplir de longues pérégrinations. Car où il n’y a pas de commande ment, il n’y a que malheurs et confusion. Aussi, après avoir dit d’où vient l’autorité, l’apôtre ajoute : « Celui donc qui résiste à la puissance, résiste à l’ordre de Dieu (2) ».
Voyez jusqu’où l’apôtre fait monter la question, par quel moyen il inspire la crainte, comment il établit que l’obéissance est une dette. En effet, les fidèles auraient pu dire vous nous avilissez, vous nous rendez méprisables, ceux qui doivent posséder le royaume des cieux, vous les soumettez à des princes ; l’apôtre montre que ce n’est pas à des princes mais à Dieu qu’il les soumet, car c’est à Dieu qu’obéit celui qui se soumet aux puissances. Mais il ne présente pas sa pensée de cette manière il ne dit pas que c’est à Dieu qu’obéit celui qui reçoit les ordres des princes ; il prend l’exemple du contraire ; afin d’inspirer la crainte, afin de rendre l’obéissance plus stricte, il dit que celui qui rejette les ordres du prince, fait la guerre à Dieu qui a institué l’autorité. Et c’est une vérité que l’apôtre prend soin d’enseigner partout, à savoir que notre obéissance n’est pas une faveur que nous faisons aux princes, mais une dette que nous leur payons. Car en agissant ainsi, l’apôtre attirait à la religion les princes infidèles, et il attachait les fidèles à l’obéissance. On répétait alors partout que les apôtres étaient des séditieux, des instruments de révolutions, n’agissant, ne parlant que pour arriver au renversement de toutes les lois. Montrez le précepte que notre commun Seigneur impose à tous ceux qui le servent, vous fermerez la bouche de ceux qui accusaient les apôtres d’être des fauteurs de nouveautés, et vous aurez plus de liberté pour prêcher la vérité et ses dogmes.
2. Donc ne rougissez pas, dit l’apôtre, de cette soumission. Car c’est Dieu qui a institué les puissances, et sa vengeance est terrible contre ceux qui les méprisent. Ce n’est pas une réparation telle quelle qu’il exigera de celui qui aura désobéi, ce sera la plus redoutable des expiations, et quoique vous puissiez dire, rien ne vous en affranchira ; vous subirez, de la part des hommes, les supplices les plus rigoureux, nul ne vous couvrira de sa protection, et vous ne ferez qu’allumer contre vous la colère de Dieu. Toutes ces vérités, l’apôtre les fait entendre, par ces paroles : « Et ceux qui y résistent, s’attireront eux-mêmes