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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/386

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soit jamais payée ; ou plutôt il veut qu’on la paye toujours, sans qu’on soit jamais quitte, sans qu’on cesse de la devoir. Telle est la nature de cette dette, on donne toujours, on doit toujours. Après avoir dit comment il faut aimer, il montre l’avantage de la charité par ces paroles : « Car celui qui aime le prochain accomplit la loi ». Ne regardez donc pas comme une faveur ce qui est une dette ; vous devez l’amour à votre frère, à cause de la parenté spirituelle, et ce n’est pas là la seule cause ; considérez de plus, que nous sommes membrés les uns des autres ; si cet amour nous manque, tout est déchiré. Donc, aimez votre frère. Si vous retirez de cet amour l’immense avantage d’accomplir la loi tout entière, vous devez l’amour à votre frère, en retour du bienfait que vous recevez de lui. « Parce que ces commandements de Dieu. Vous ne commettrez point d’adultère ; vous ne tuerez point ; vous ne déroberez point ; vous ne porterez point de faux témoignage, et s’il y a quelque autre commandement semblable, tous sont compris en abrégé dans cette parole : Vous aimerez le prochain comme vous-même (9) ». – (Mt. 22,39) L’apôtre ne dit pas : Sont accomplis, mais : « Sont compris en abrégé », c’est-à-dire que cette parole renferme dans une brièveté concise l’ensemble complet des commandements. Car le principe et la fin de la vertu, c’est l’amour ; voilà la racine, voilà le fondement, voilà le faîte. Si donc c’est le principe et le parfait accomplissement, où rien trouver qui l’égale ?
4. Mais ce n’est pas simplement l’amour que le précepte demande, c’est l’intensité de l’amour. Il n’est pas dit seulement : Aimez votre prochain, mais « comme vous-même ». Aussi le Christ disait-il que ce précepte contient la loi et les prophètes. Et voyez, après avoir établi deux sortes d’amour, jusqu’où il élève l’amour du prochain. Après avoir dit : « Voici le premier commandement : Tu aimeras le Seigneur ton Dieu », il continue : « Voici le second », et il n’oublie pas d’ajouter : « Semblable au premier, et ton prochain comme toi-même ». Où rien trouver qui égale cette bonté du Sauveur ? Malgré l’immense distance qui nous sépare de lui, il range l’amour que les hommes doivent aux hommes tout près de l’amour qui lui est dû à lui-même, il déclare que ces deux amours sont semblables. Les mesures qu’il assigne des deux côtés sont presque égales ; pour le premier amour, il disait : « De tout ton cœur, et de toute ton âme » ; pour l’amour du prochain, « comme toi-même ». Maintenant Paul enseigne que, sans l’amour du prochain on ne recueille pas une grande utilité de l’amour de Dieu. De même que nous, quand nous avons de l’amour pour quelqu’un, nous disons : si vous l’aimez, c’est moi que vous aimerez, ainsi faisait le Christ, quand il disait : « Semblable au premier » ; quand il disait à Pierre : « Si vous m’aimez, paissez mes agneaux ». (Jn. 21,16)
« L’amour qu’on a pour le prochain, ne souffre point qu’on lui fasse du mal ; aussi l’amour est l’accomplissement de la loi (10) ». Voyez les deux mérites de l’amour : il empêche de faire le mal, (car, dit l’apôtre : « Il ne souffre point qu’on lui fasse du mal »), et il « opère le bien : « Aussi l’amour est l’accomplissement de la loi », dit-il ; non seulement c’est l’abrégé de la doctrine des bonnes œuvres, mais il en rend la pratique facile. L’amour ne nous apprend pas seulement ce que nous devons savoir, (ce qui est l’office de la loi), mais il nous donne pour l’exécution un puissant secours qui ne nous aide pas seulement à pratiquer une partie des préceptes, mais parfait en nous la vertu tout entière. Aimons-nous donc les uns les autres, puisque c’est là le moyen d’aimer ce Dieu qui nous a tant aimés. Chez les hommes, si vous aimez une personne qui est aimée d’une autre, cette autre personne s’en offense. Dieu, au contraire, veut que vous partagiez votre amour entre lui et vos frères, et Dieu déteste celui qui ne fait pas ce partage. C’est que l’amour humain est rempli de jalousie et de haines envieuses, tandis que l’amour divin est au-dessus de toutes ces passions. Voilà pourquoi Dieu demande que nous partagions son amour. Aimez, dit-il, avec moi, et je vous en aimerai davantage. Voyez-vous l’ardent amour que ces paroles respirent ? Si vous aimez ceux que j’aime, je croirai alors à la sincérité de votre amour pour moi. En effet, il désire vivement notre salut, et il y a longtemps qu’il nous l’a fait savoir. Quand il créa l’homme, que dit-il ? écoutez : « Faisons l’homme à notre image » (Gen. 1,26) ; et encore : « Faisons-lui une aide, il n’est pas bon que l’homme soit seul ». (Gen. 2,18) Et, lorsqu’après la prévarication il le réprimanda, voyez avec quelle mansuétude il lui parle ! Il