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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/391

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de sa mort ». (Rom. 6,4-5) Il est aussi un suppléant : « Nous faisons donc la fonction d’ambassadeurs pour Jésus-Christ ». (2Cor. 5,20) Il est encore notre avocat auprès du Père, car « Il intercède pour nous ». (Rom. 8,34) Il est et l’habitation et l’habitant. Celui-là « demeure en moi et moi en lui ». (Jn. 6,57) C’est, en outre, un ami : « Car vous êtes mes amis ». (Jn. 15,14) C’est le fondement, la pierre de l’angle ; quant à nous, nous sommes ses membres, le champ qu’il cultive, l’édifice qu’il construit, sa vigne, les ouvriers qui y travaillent avec lui. Que ne veut-il pas être pour nous ? quel moyen ne prend-il pas pour nous appliquer, nous attacher à lui ? ce qui est la preuve de son ardent amour. Cédez-lui donc, en secouant votre sommeil ; revêtez-vous de lui, et, vous en étant revêtu, donnez-lui votre chair à façonner à son gré. C’est ce que l’apôtre a fait entendre par ces paroles : « Et ne cherchez pas à contenter votre sensualité ».
De même qu’il ne défend pas de boire, mais de s’enivrer ; ni de se marier, mais de s’adonner au libertinage ; de même il ne réprouve pas les soins qu’on prend du corps, mais seulement la concupiscence, il ne veut pas que nous franchissions les limites de la nécessité. La preuve qu’il ne proscrit pas les soins pour le corps, c’est ce qu’il écrit à Timothée : « Usez d’un peu de vin, à cause de votre estomac et de vos fréquentes maladies ». (1Tim. 5,23) Oui, soignez votre corps, mais pour la santé, non pour la luxure. Il n’y aurait pas d’ailleurs prévoyance et soin pour le corps si vous ne faisiez qu’allumer en lui une flamme ardente ; que d’en faire une fournaise insupportable. Voulez-vous bien comprendre ce que c’est que soigner le corps ; pour la concupiscence ? Voulez-vous qu’on ne vous voie jamais préoccupés de tels soins ? Regardez ceux qui s’abandonnent à l’ivresse, à la gourmandise, qui recherchent le luxe des vêtements, la délicatesse, la mollesse, les dissolutions, et vous comprendrez les paroles de l’apôtre. Tous ces débauchés recherchent, non la santé, mais la luxure, ce qui attise le feu des passions. Mais vous, qui avez revêtu le Christ, qui avez rejeté toutes ces souillures, ne recherchez, pour le corps, que la santé ; prenez soin de votre corps uniquement dans cette vue ; rien au-delà ; employez toute votre ardeur pour les biens spirituels. C’est ainsi que vous pourrez secouer ce sommeil, toutes ces concupiscences ne pèseront pas sur vous. Qu’est-ce que la vie présente ? un sommeil, et les affaires qui s’y rapportent, ne diffèrent en rien des songes. Et, de même que ceux qui dorment, font entendre des paroles insensées, et la plupart du temps n’ont que des visions malsaines, de même, en est-il de nous, ou plutôt notre condition est bien pire. Car celui qui commet, en songe, des actions coupables, ou prononce des paroles honteuses, une fois délivré du sommeil, l’est aussi de la honte, et n’a pas d’expiation à subir ; ici, au contraire, et la honte, et le châtiment subsistent pour l’éternité. Autre différence encore : ceux qui sont riches en songe, une fois le jour arrivé ; comprennent le néant de leurs richesses ; ici, au contraire, c’est ce que l’on comprend même avant que le jour arrive ; avant notre départ d’ici-bas, ces songes sont déjà loin. Secouons donc ce sommeil funeste. Car si ce jour nous surprend dormant encore, ce qui nous saisira, c’est une mort immortelle ; et avant que ce jour arrive, nous serons la proie facile de tous nos ennemis, et des hommes et des démons ; s’ils veulent notre mort, nul ne les empêchera de nous frapper. Si le grand nombre était éveillé ; le danger ne serait pas si grand ; mais à peine un ou deux tiennent leur flambeau allumé, les autres dorment comme au sein de la nuit la plus profonde, voilà pourquoi nous ne pouvons trop veiller nous-mêmes, prendre trop de précautions, si nous voulons éviter d’insupportables malheurs.
3. Ne croirait-on pas que nous sommes à présent en pleine lumière ? Ne croyons-nous pas être tous bien éveillés et sur nos gardes ? Et pourtant (mes paroles vont provoquer peut-être votre rire, je parlerai toutefois) nous dormons tous, nous ronflons dans une nuit profonde tous tant que nous sommes. Si nos yeux pouvaient voir les substances incorporelles, je vous montrerais comment pendant que la plupart de nous ronflent, le démon perce les murs, égorge les malheureux couchés, dévalise l’intérieur de la maison, comme un malfaiteur que rien ne gêne dans l’obscurité épaisse. Mais si nos yeux ne peuvent saisir l’insensible, servons-nous de la parole pour le décrire, représentons-nous parla pensée combien sont appesantis par les passions coupables, combien sont tenus dans les chaînes d’un lourd assoupissement, combien éteignent la,