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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/392

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lumière de l’esprit. Aussi voient-ils une chose pour une autre, entendent-ils une chose pour une autre, et aucune des paroles prononcées ici ne frappe leur attention. Si je mens, si vous êtes éveillé, alors dites-moi ce qui s’est passé ici aujourd’hui, si tout ce que vous avez entendu n’a pas été pour vous comme un songe. Oh ! je sais bien que quelques-uns réclameront ; ce que je dis ne s’adresse pas à tous ; mais vous, à qui mes paroles s’adressent, vous qui n’avez rien gagné à venir ici, répondez-moi, quel est le prophète, quel est l’apôtre qui s’est entretenu aujourd’hui avec nous, et de quoi ? Vous ne sauriez répondre : le plus grand nombre des paroles prononcées ici, l’ont été pour vous comme dans un songe, vous n’avez rien entendu réellement. Ce que je dis s’adresse aussi aux femmes ; elles dorment, elles aussi, d’un profond sommeil, et plût au ciel que ce fût un sommeil ! Car celui qui dort, ne dit rien, soit en mal, soit en bien ; mais celui qui veille comme vous veillez, lance beaucoup de paroles qui retomberont sur sa tête, supputant ses usures, roulant des pensées de gros intérêts, n’ayant dans sa tête qu’un négoce de scélératesse et d’effronterie, remplissant son âme des épines qu’il y plante, y étouffant la bonne semence jusque dans la racine. Relevez-vous ; toutes ces épines, extirpez-les ; secouez votre ivresse ; car de cette ivresse, vient votre sommeil. Quand je parle d’ivresse, je ne dis pas seulement l’ivresse du vin, mais celle qu’excitent en vous les soucis de la vie présente, et à cette ivresse j’ajoute celle que te vin provoque. Mon discours ne s’adresse pas aux riches seulement, mais aux pauvres, et surtout à ceux qui chargent les tables pour des repas d’amis. Il n’y a là ni plaisir, ni récréation, mais supplice et châtiment ; le plaisir ne consiste pas à dire des paroles honteuses, mais à faire entendre des discours honnêtes, le plaisir consiste à se rassasier, non pas à se crever les entrailles. Si vous prenez cela pour de la volupté, montrez-la-moi le soir, votre volupté. Je ne veux pas encore vous parler des conséquences funestes de ces débauches, je ne vous entretiens quant à présent que de la brièveté de cette volupté sitôt altérée ; à peine le repas terminé, la joie a déjà disparu. Si je rappelais les vomissements, les pesanteurs de tête, les maladies impossibles à compter, l’âme prisonnière, captive, que pourriez-vous me répondre ? Est-ce parce que nous sommes pauvres, que nous devons nous couvrir de honte ?
Ce que j’en dis, ce n’est pas pour empêcher les réunions, les festins, mais pour prévenir une conduite honteuse ; et puis je voudrais que les plaisirs fussent vraiment des plaisirs, et non un supplice, un châtiment, de l’ivresse, des indigestions. Apprenons aux gentils que les Chrétiens savent goûter les plaisirs, mais les plaisirs honnêtes. Car c’est l’Écriture qui dit : « Réjouissez-vous dans le Seigneur avec tremblement ». (Ps. 2,11) Comment se réjouir ? En récitant des hymnes, en priant, en faisant entendre des psaumes, au lieu de tous ces chants ignobles. Voulez-vous que le Christ prenne place à votre table, que sa bénédiction se répande sur tous vos convives ? Priez, faites entendre des chants spirituels, appelez les pauvres à partager le repas, faites y régner le bon ordre et la tempérance ; voulez-vous convertir en église la salle du festin ? Au lieu de vociférations indécentes et d’applaudissements, et de trépignements, faites entendre les hymnes en l’honneur du souverain maître de toutes choses. Ne me dites pas : Qu’une autre coutume a prévalu ; corrigez ce qui est mauvais. « Soit que vous mangiez », dit ailleurs l’apôtre, « soit que vous buviez, quoi que vous fassiez, faites tout pour la gloire de Dieu ». (1Cor. 10,31) De vos impurs festins viennent les mauvais désirs, les impuretés, le mépris pour les épouses, les courtisanes en honneur ; de là, la ruine des familles, des maux innombrables ; tout est bouleversé ; abandonnant la source pure, vous courez au cloaque immonde. Car que le corps de la courtisane ne soit qu’un cloaque immonde, je ne le demande à nul autre qu’à vous, qui vous vautrez dans ces immondices. Est-ce que vous ne rougissez pas, est-ce que vous ne vous regardez pas comme impur, quand vous avez péché ? Aussi, je vous en conjure, fuyez la fornication et la mère de la fornication, l’ivresse. Pourquoi jetez-vous la semence où il n’y a pas d’espoir de moisson ? Je me trompe, quand vous moissonneriez, le fruit vous couvrirait de honte. Quand il en naîtrait un enfant, ce serait une honte pour vous, et cet enfant vous doit son malheur à vous qui l’avez fait bâtard et déshonoré par sa naissance. Et quand vous lui laisseriez des monceaux d’or, méprisé dans la famille, méprisé dans la cité, méprisé devant les tribunaux, ce ne sera