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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/395

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un préjudice mortel aux nouveaux croyants ; ces reproches continuels pouvaient les rejeter loin de la confession du Christ, de telle sorte qu’ils seraient demeurés doublement incorrigibles. Voyez la prudence de Paul, voyez comme il fait éclater ici la sagesse qui lui est ordinaire, dans ce qu’il dit à propos des deux classes de fidèles : Il n’ose pais dire à ceux qui reprennent les autres : Vous faites mal ; il ne veut pas que les Juifs s’obstinent dans leurs observances ; il ne dit pas non plus, vous faites bien, pour ne pas les exciter encore davantage, mais il compose une réprimande pleine de mesure : il semble d’abord reprendre les forts ; mais, en parlant ensuite aux faibles, il retire ce qu’il avait dit contre les premiers. En effet, la réprimande la moins incommode est celle qui se pratique de telle sorte qu’en adressant la parole à une personne, c’en est une autre que l’on attaque. Car, de cette manière, il n’y a rien d’irritant pour celui que l’on blâme, et le remède de la correction s’administre sans qu’on l’aperçoive.
Voyez donc avec quelle intelligence, quel à propos l’apôtre se conduit dans cette circonstance. En effet, c’est après avoir dit : « N’ayez pas soin de la chair pour satisfaire ses mauvais désirs », qu’il aborde cet autre sujet, parce qu’il ne veut pas avoir l’air de plaider pour ceux qui blâmaient les Juifs, et voulaient que l’on mangeât de toute espèce d’aliments. Les plus faibles sont toujours ceux qui réclament le plus de soins. Aussi s’adressant bien vite aux plus forts, il leur dit : « Celui qui est encore faible dans la foi ». Voyez-vous le coup déjà porté à celui qui avait égard à la différence des viandes ? Dire de quelqu’un qu’il est « Encore faible », c’est montrer qu’il est malade. Second coup ensuite : « Recevez-le avec charité. C’est montrer de nouveau qu’il a besoin de beaucoup de soins, et c’est une preuve que la maladie est grave. « Sans vous amuser à contester avec lui ». Le troisième coup vient d’être porté. Ces paroles montrent en effet que le chrétien judaïsant pèche assez pour que ceux qui ne partagent pas sa faute, qui restent pourtant unis d’amitié avec lui, et s’inquiètent de sa guérison, soient séparés d’opinion avec lui. Voyez-vous comme l’apôtre, tout en paraissant n’avoir affaire qu’aux uns, adresse aux autres une réprimande détournée qui n’a rien de pénible ? L’apôtre les compare ensuite, louant les uns, faisant le procès aux autres. En effet, il ajoute : « Car l’un croit qu’il lui est permis de manger de toutes choses », celui-là croit, et l’apôtre l’exalte à cause de sa foi ; « Et l’autre, au contraire, qui est faible dans la foi, ne mange que des légumes » ; celui-ci, l’apôtre le blâme, puisqu’il parle de sa faiblesse. Ensuite, après avoir donné à propos un coup sensible, l’apôtre apporte au blessé la consolation : « Que celui qui mange de tout, ne méprise point celui qui n’ose manger de tout (3) ».
L’apôtre ne dit pas : Laisse libre ; il ne dit pas : Se garde d’accuser ; il ne dit pas : Renonce à corriger ; mais : Ne blâme pas, ne tourne pas en dérision ; et le bienheureux Paul montre par là que ces chrétiens judaïsants pratiquent des observances ridicules. Ce n’est pas du même ton que l’apôtre parle du vrai fidèle : « Que celui qui ne mange pas de tout, ne juge pas celui qui mange de tout ». De même que les plus avancés se moquaient des autres qu’ils appelaient des hommes de peu de foi, des chrétiens suspects et bâtards, continuant à judaïser ; de même ces derniers jugeaient leurs accusateurs, auxquels ils reprochaient d’enfreindre la loi, d’être adonnés à leur ventre, ce qui était vrai pour un bon nombre de gentils. Voilà pourquoi l’apôtre a ajouté : « Puisque Dieu l’a pris à son service ». Il ne parle pas ainsi du chrétien judaïsant : il pouvait sembler juste de mépriser la gourmandise de celui qui mangeait de tout ; de juger, de condamner le peu de foi de celui qui ne mangeait pas de tout. Mais l’apôtre a brouillé les rôles en montrant que non seulement le plus faible ne mérite pas d’être méprisé, mais qu’il peut concevoir certains mépris. Toutefois, dit l’apôtre, ai-je la pensée de condamner celui mange de tout ? Nullement. De là ce qu’il a ajouté : « Dieu l’a pris à son service ». Pourquoi donc lui reprochez-vous d’enfreindre la loi ? « Puisque Dieu l’a pris à sors service » ; c’est-à-dire lui a communiqué sa grâce ineffable, et l’a absous de toute accusation. L’apôtre se retourne ensuite vers le plus fort : « Qui êtes-vous, pour juger le serviteur d’autrui ? » D’où il est manifeste que les forts jugeaient leurs frères, et ne se bornaient pas à mépriser les moins avancés. « S’il demeure ferme ou s’il tombe, cela regarde son maître ».
2. Encore un autre coup frappé par l’apôtre.