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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/397

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Il ne s’agit pas ici d’actions capitales : ce qu’il faut savoir, en effet, c’est si l’un aussi bien que l’autre se conduisent en vue de Dieu, si, des deux côtés, on finit par rendre des actions de grâces à Dieu. Eh bien ! l’un comme l’autre ils bénissent Dieu. Donc, puisque des deux côtés on bénit Dieu, il n’y a pas grande différence. Quant à vous, remarquez comment, ici encore, il frappe, d’une manière détournée, le chrétien qui judaïse. En effet, si l’important est de bénir Dieu, il est bien évident que c’est celui qui mange de tout qui bénit de Dieu, et non celui qui ne mange pas de tout. Comment pourrait-il le bénir en restant toujours attaché à la loi ancienne ? C’est la pensée qu’exprime l’apôtre dans sa lettre aux Galates : « Vous qui voulez être justifiés par la loi, vous êtes déchus de la grâce ». (Gal. 5,4) Dans cette lettre aux Romains, il se contente de l’indiquer à mots couverts, le temps n’était pas venu de parler ouvertement. En attendant, il tolère ; mais bientôt il énonce plus clairement sa pensée. Il ajoute en effet : « Car aucun de nous ne vit pour soi-même, et aucun de nous ne meurt pour soi-même. Soit que nous vivions, c’est pour le Seigneur que nous vivons ; soit que nous mourions, c’est pour le Seigneur que nous mourons (7, 8) ». Ces paroles marquent plus expressément sa pensée. Car comment celui qui vit pour la loi peut-il vivre pour le Christ ? Mais en même temps que l’apôtre établit cette vérité, les mêmes paroles lui servent à retenir ceux qui étaient trop pressés ale les corriger, elles recommandent la patience, elles montrent que Dieu ne peut pas mépriser les chrétiens encore judaïsants, mais qu’il se chargera lui-même de les corriger quand le temps sera venu.
3. Que signifient donc ces paroles : « Aucun de nous ne vit pour soi-même ? » Nous ne sommes pas libres : nous avons un Seigneur qui veut notre vie, et non notre mort ; qui prend, à notre mort, à notre vie, plus d’intérêt que nous. Car il montre par là qu’il prend de nous plus de soin que nous rien prenons nous-mêmes, qu’il regarde notre vie comme un trésor pour lui, et comme une perte notre mort. Car ce n’est pas seulement pour nous que nous mourons, mais aussi pour notre Maître, s’il nous arrive de mourir. La mort, ici, c’est la mort selon la foi. Il suffit, certes, pour prouver que Dieu s’inquiète de nous, de dire que c’est pour lui que nous vivons, que c’est pour lui que nous mourons. Toutefois, l’apôtre ne se contente pas de ces paroles ; il ajoute : « Soit que nous vivions, soit que nous mourions, nous appartenons au Seigneur ». Et, en passant de cette mort à la mort naturelle, afin de ne pas trop assombrir son discours, il donne une autre preuve, un signe éclatant de la providence de Dieu. Quel est ce signe ? « Car c’est pour cela même que Jésus-Christ est mort et qu’il est ressuscité, afin d’avoir un empire souverain sur les morts et sur les vivants (9) ».
Soyez donc persuadés par là qu’il s’inquiète toujours de notre salut et de notre perfectionnement. Car si sa providence n’était pas à un si haut degré occupée de nous, quelle nécessité y avait-il pour lui à s’incarner parmi nous ? Eh quoi ! son zèle à faire de nous ses membres l’a porté jusqu’à prendre la forme d’un esclave, jusqu’à mourir, et, après de telles preuves, il nous mépriserait ! Non, non ; il ne voudrait pas perdre ce qui lui a coûté si cher. « Car », dit l’apôtre, « c’est pour cela même qu’il est mort » : C’est comme si l’on disait : Tel homme ne peut pas ne pas s’inquiéter de son esclave, car il se soucie fort de sa bourse. Et encore ne tenons-nous pas à notre argent autant que son amour l’attache à notre salut. Ce n’est pas de l’argent, c’est son propre sang qu’il a versé pour nous, et il ne pourrait pas abandonner ceux pour qui il a payé un si grand prix. Voyez maintenant comme l’apôtre nous montre la puissance ineffable du Seigneur : « Car c’est pour cela même », dit-il, « que Jésus-Christ est mort, et qu’il est ressuscité, afin d’avoir un empire souverain sur les morts et sur les vivants » ; et plus haut : « Soit que nous vivions, soit que nous mourions, nous appartenons au Seigneur ». Voyez-vous l’étendue de la domination ? Voyez-vous la force invincible ? Voyez-vous la Providence à qui rien n’échappe ? Ne me parlez pas, dit-il, des vivants seuls, sa providence s’étend aussi aux morts. Mais si elle s’étend aux morts, il est bien évident qu’elle embrasse aussi les vivants ; car le Seigneur n’a rien négligé de ce qui relève de cette souveraineté, et il s’est attribué la plus grande part de juridiction sur les hommes, et plus que de tout le reste, sans rien excepter, c’est de noua qu’il prend soin. Un homme achète un esclave à prix d’argent et s’attache à celui qui est devenu son esclave