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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/398

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à lui ; c’est au prix de sa mort que Dieu nous a rachetés, et, après avoir tant dépensé, tant travaillé pour faire de nous sa propriété ; il n’est pas possible qu’il ne fasse aucun cas de notre salut. Toutes ces réflexions de l’apôtre, c’est pour toucher le chrétien judaïsant, c’est pour l’empêcher d’oublier la grandeur du bienfait, c’est pour lui rappeler qu’il était mort et qu’il a recouvré la vie, qu’il n’a retiré de la loi aucun avantage, et qu’il ne peut, sans un excès d’ingratitude, abandonner celui dont il a tant reçu, pour retourner à la loi. Après l’avoir ainsi fortement averti, l’apôtre continue sur un ton plus doux : « Vous donc, pourquoi condamnez-vous votre frère ? Et vous, pourquoi méprisez-vous le vôtre (10) ? » Il semble parler des uns et des autres en les mettant au même rang ; pourtant ses paroles laissent voir entre eux une grande différence. D’abord le titre de frère qu’il emploie, met un terme à la querelle ; pour en finir, il rappelle ensuite le jour terrible du jugement. Après avoir dit : « Et vous, pourquoi méprisez-vous le vôtre ? » il ajoute : « Car nous paraîtrons tous devant le tribunal de Jésus-Christ ». En parlant ainsi, il a l’air de faire des reproches aux plus avancés dans la foi, mais c’est au judaïsant qu’il porte un coup, car non seulement il lui rappelle pour le toucher le bienfait reçu, mais il lui inspire l’épouvante par la considération du châtiment à venir. « Car nous paraîtrons tous devant le tribunal de Jésus-Christ. Car il a été écrit », dit l’apôtre « Je jure par moi-même, dit le Seigneur, que tout genou fléchira devant moi, et que toute langue confessera que c’est moi qui suis Dieu. Ainsi chacun de nous rendra compte à Dieu de soi-même (11, 12) ». Voyez-vous comme il frappe sur le chrétien judaïsant, tout en ayant l’air de ne s’attaquer qu’aux autres ? Ses paroles, en effet, reviennent à ceci : De quoi vous occupez-vous ? Est-ce vous qu’on punira pour eux ? Il ne parle pas expressément de cette manière, mais c’est là ce qu’il fait entendre avec plus de ménagement en disant : « Car nous paraîtrons tous devant le tribunal de Jésus-Christ. Ainsi chacun de nous rendra compte à Dieu de soi-même ». Et il invoque le témoignage du prophète constatant la sujétion à Jésus-Christ de tous les hommes sans exception, la sujétion de tous les hommes de l’Ancien Testament et de tous ceux qui ont reçu l’existence quels qu’ils soient. Et il ne dit pas simplement : Chacun adorera, mais : « Toute langue confessera », c’est-à-dire, qu’on aura des comptes à rendre de ses actions.
4. Tremblez à l’aspect du Maître de toutes les créatures siégeant sur son tribunal, et ne partagez pas, ne déchirez pas l’Église en rejetant la grâce pour retourner à la loi. La loi a pour origine le même auteur que la grâce. Et que parlé-je de la loi ?. C’est lui qui a fait les hommes et sous la loi, et avant la loi. Et ce n’est pas la loi qui vous redemandera des comptes, mais le Christ, qui en fera rendre et à vous et à toute la race des hommes. Voyez-vous comme l’apôtre a dissipé la crainte de la loi ? Ensuite, ne voulant pas avoir l’air de s’être spécialement proposé d’inspirer l’épouvante, aimant mieux paraître, au contraire, avoir été conduit à cette réflexion par la suite naturelle des idées, il reprend son raisonnement : « Ne nous jugeons donc plus les uns les autres ; mais jugez plutôt que vous ne devez pas donner à votre frère une occasion « de chute et de scandale (15) ». Ces exhortations s’adressent également aux uns et aux autres, elles conviennent également aux deux partis, à ceux qui s’offensent des observances concernant les aliments et aux moins avancés qui s’irritent de la vivacité des réprimandes.
Quant à vous, ne considérez que les châtiments qui nous seront infligés si, sans aucun motif, nous scandalisons quelqu’un. En effet, si la réprimande intempestive, au sujet d’une action non permise, est défendue par l’apôtre, afin que nous ne soyons pas pour notre frère un sujet de scandale, si nous le scandalisons sans avoir en vue sa correction, quel châtiment ne subirons-nous pas ? En effet, si c’est une faute que de ne pas sauver son frère, ce que prouve la parabole du talent enfoui, que sera-ce si on lui devient une occasion de chute ? – Mais si le scandale vient de l’infirmité même de celui qui se scandalise ? – Eh bien ! c’est précisément pour cette raison que vous méritez tous les châtiments. Si votre frère était fort, il n’aurait pas besoin de tant de soins ; c’est parce qu’il est faible qu’il faut l’entourer d’une grande sollicitude. Sachons donc la lui montrer, et, par tous les moyens, soutenons-le. Car nous n’aurons pas à rendre compte seulement de nos fautes particulières, mais de celles qu’auront commises les autres, scandalisés par nous. En ce qui concerne nous-