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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/40

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endurer cette sombre tristesse, et je vous ai écrit, non pour vous affliger, mais pour vous témoigner l’affection que je vous porte. Ces paroles, « non pour vous affliger », semblaient amener naturellement celles-ci : mais pour vous rassurer, et tel était en effet son dessein ; cependant ce n’est point ce qu’ajoute l’apôtre. Il sait donner à son langage plus de douceur et pins d’attrait, il veut, leur inspirer plus d’amour pour lui, en leur montrant que tout ce qu’il fait, al le fait lui-même sous l’impulsion de la charité. Et non seulement il aime les Corinthiens, mais il les aime jusqu’à l’excès. C’est ainsi qu’il veut se les attacher, en leur témoignant qu’il les aime plus que les autres, qu’il les regarde comme ses disciples de prédilection. C’est pourquoi il dit : « Si je ne suis pas apôtre pour les autres, du moins le suis-je pour vous » ; et encore : « quand même vous auriez beaucoup de maîtres, cependant vous n’avez pas beaucoup de pères ». (2Cor. 9,2 ; 4, 15) Il dit encore « Nous avons agi dans le monde avec la grâce du Seigneur, mais nulle part autant que chez vous ». Et plus bas il ajoute : « Je vous porte une vive affection ; la vôtre est moins forte envers moi ». (2Cor. 1, 12 ; 13, 15) Et enfin ici : « Cette affection si vive que j’ai pour vous ».
3. Son langage était plein d’indignation sans doute, mais cette indignation venait de l’affection et de la douleur. La cause de la douleur, des angoisses que j’éprouvais en vous écrivant, ce n’étaient pas seulement vos désordres, mais aussi la nécessité où je nie trouvais, de vous contraster. Si cette nécessité même n’avait-elle point son principe dans l’affection ? Qu’un père voie son fils bien-aimé rongé par un ulcère qu’il faille enlever et brûler ; il souffre et de voir son fils en proie à la maladie, et d’être contraint à cette cruelle opération. Ainsi donc, ce que vous croyez être une marque de haine, c’est au contraire une preuve d’affection. Si donc je vous aime en vous contristant, à plus forte raison je vous aime encore en me réjouissant de vous voir affligés. Voilà comment l’apôtre se justifie ; et nous le voyons se justifier en maintes circonstances, sans qu’il ait lieu d’en rougir : car Dieu lui-même ne craint pas de se justifier en disant : « O mon peuple, de quoi suis-je coupable envers toi ? » (Mic. 6,3) Maintenant, il va parler en faveur de cet homme qui s’était rendu coupable d’inceste. Il fallait prévenir une surprise trop brusque, une obstination funeste, chose si naturelle en présence de deux injonctions contradictoires. Car il avait fait éclater son indignation contre l’incestueux, et maintenant, il allait enjoindre de l’absoudre. Voyez donc comment tout se prépare et par ce qu’il a déjà dit, et par ce qu’il va dire encore.
Que dit en effet l’apôtre ? « Si quelqu’un m’a contrasté, ce n’est pas moi seul qu’il a contrasté (5) ». Après les avoir loués de partager sa joie et sa tristesse, il aborde son sujet. Il a dit : « Ma joie est aussi votre joie ». S’il en est ainsi, ne devez-vous pas vous réjouir avec moi, comme vous vous êtes affligés avec moi. En vous affligeant, vous m’avez causé de la joie ; en vous réjouissant aujourd’hui, mous m’en causerez encore. L’apôtre n’a pas dit : ma tristesse à été votre tristesse. Cette pensée, il l’avait exprimée dans d’autres endroits ; ici, il se contente de rappeler, ce que demande son sujet, et il dit : « Ma joie est aussi votre joie ». Il revient ensuite sur le passé : « Si quelqu’un, dit-il, a été un sujet de tristesse ; ce n’est pas moi seulement qu’il a contrasté ; mais vous a aussi du moins en partie, pour user de ménagement à son égard ». Je le sais, dit-il, vous avez tous partagé mon indignation contre celui qui avait commis l’inceste ; oui, vous avez tous, du moins presque tous, éprouvé quelque tristesse, en apprenant ce crime abominable. Si je dis : presque tous, ce, n’est pas que vous ayez été moins vivement émus que moi-même ; mais je m’exprime ainsi pour user de ménagement à l’égard du coupable. Ce n’est donc pas moi seulement qu’il a contristé, mais vous tous aussi bien que moi ; et c’est par indulgence que j’emploie ces expressions : « Presque tous ». Voyez-vous comme il s’empresse d’apaiser, leurs âmes, en leur disant qu’ils ont partagé son indignation ? « Il suffit à cet homme d’avoir été repris parle plus grand nombre (6) ». Il ne dit pas : « à l’incestueux » ; mais « à cet homme », comme dans l’épître précédente ; toutefois, ce n’est plus pour la même raison qu’il se sert de ce mot. Alors, c’était par modestie, ici, par indulgence. Oui, c’est par indulgence que désormais il ne rappelle plus la faute commise ; car il veut maintenant prendre sa défense.
« Maintenant, au contraire, soyez pleins de prévenances à son égard, et empressez-vous de le consoler, de peur qu’il ne soit comme