Aller au contenu

Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/39

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

vous-mêmes, je ne pourrais faire autrement que de me réjouir en même temps. N’est-ce pas en effet me témoigner la plus grande affection que de m’estimer assez pour être sensibles aux reproches que vous adresse mon âme indignée.
2. Mais voyez aussi la prudence de l’apôtre. D’ordinaire, les disciples s’affligent et s’indignent d’une réprimande : Saint Paul leur en fait un mérite, c’est un plaisir qu’ils lui font ; je irai pas de plus grande joie, dit-il, que de voir mes paroles produire de l’effet et contrister l’âme de celui qui est témoin ; de ma colère. Il était naturel de dire : Si je vous contriste, qui donc vous réjouira ? Il ne le dit pas, il prend le contre-pied pour mieux adoucir sa pensée : Bien que je vous aie contristés, vous me témoignez la plus vive reconnaissance, puisque vous vous affectez de mes reproches. – « Car c’est là due je vous ai écrit (3) ». Quoi donc ? que je n’étais pas venu à Corinthe, dans l’intention de vous ménager. Quand le leur écrivait-il ? Est-ce dans sa première épître, où il leur disait : « Je ne veux pas vous voir en passant ? » Non, à mon avis du moins, mais bien dans celle-ci, quand il leur dit : « Je crains qu’une fois au milieu de vous, Dieu ne m’humilie ». Je vous ai donc éprit à la fin de cette épître : « De peur qu’une fois au milieu de vous, Dieu ne m’humilie et que je n’aie à verser des larmes sur un grand nombre de ceux qui ont péché auparavant ». Pourquoi écriviez-vous donc : « Afin qu’à mon arrivée je n’aie » pas à pleurer sur ceux qui auraient dû me « réjouir, ayant cette confiance à votre sujet, que ma joie est aussi la vôtre ? » Après avoir dit : « Je me réjouis de vous voir dans la tristesse », paroles un peu dures, ce semble, et un peu hardies, il prend un autre tour pour les rendre plus acceptables. Je vous ai écrit, dit-il, pour que je n’aie pas la douleur de vous trouver non corrigés encore. Quand je dis : « Pour que je n’ai pas la douleur », ce n’est point mon avantage personnel que j’ai en vue, mais le vôtre : Je le sais en effet, vous êtes joyeux de ma propre joie, et vous souffrez de me voir souffrir.
Voyez comme tout s’enchaîne depuis le commencement. Cet examen nous fera mieux entendre ce que veut dire apôtre. Si je ne suis pas venu, dit-il ; c’est pour ne pas vous contrister dans le cas où vous ne seriez pas encore réformés. En cela je me suis proposé votre intérêt, et non le mien propre. Quand je vous vois plongés dans la tristesse, j’en ressens une grande joie ; car cette affliction, cette douleur, me prouve que vous vous souciez de mes paroles et de mon indignation. « Qui donc me réjouit en effet, sinon celui que je contrains moi-même ? » Toutefois, comme je vous ai vous-mêmes en vue, je, me suis servi de ces paroles : « Pour n’avoir pas la douleur », en m’oubliant moi-même, pour ne penser qu’à vous. Car, je ne l’ignore pas, vous éprouverez beaucoup de chagrin de me voir triste ; comme au contraire, vous vous réjouirez de me voir joyeux : Voyez donc quelle est la prudence de l’apôtre ! Il avait dit : Je ne suis pas venu pour ne pas vous contrister, et cependant, dit-il, je m’en réjouis. Ensuite, pour ne pas leur laisser croire que leur douleur est cause de sa joie, il ajoute : Je me réjouis de voir mes paroles produire leur effet. Ce qui m’afflige, c’est d’être dans la nécessité de contrister des fidèles qui me chérissent, non seulement par les reproches que je leur adresse ; mais aussi par la tristesse où ils me voient plongé. Et voyez comment il sait assaisonner le reproche par l’éloge : « Par ceux au sujet desquels j’aurais dû ressentir de la joie ». N’est-ce pas le langage d’un homme qui témoigne la vivacité de son affection ? Ne vous semble-t-il point parler de fils qu’il aurait comblés de bienfaits et pour lesquels il se serait imposé les plus rudes travaux ? Ainsi ! donc, si je vous écris, au lieu d’aller vous voir, c’est dans votre intérêt, ce n’est point par haine, mais au contraire, par amour pour vous : Mais il avait dit : Celui qui me chagrine me cause de la joie ; et ils auraient pu conclure : C’est donc là ce que vous cherchez, votre propre joie ; vous voulez donc montrer à tout le monde l’énergie de votre puissance ! – Aussi se hâte-t-il d’ajouter : « C’est l’âme brisée de douleur et les larmes aux yeux, que je vous écrivis alors, non point pour vous affliger, mais pour que vous sentiez la vive affection que j’ai pour vous (4) ».
Y eut-il jamais âme plus aimante ? Ne se montre-t-il pas plus vivement affligé que ceux-là mêmes qui ont péché ? Il ne se contente pas de dire : c’est avec douleur ; mais voyez la force de son expression C’est l’âme brisée de douleur ». Il ne dit pas : avec larmes, mais « en répandant beaucoup de larmes ». N’est-ce pas comme s’il disait : La tristesse me suffoquait, m’ôtait la respiration ; je ne pouvais plus