Aller au contenu

Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/405

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

fort, qui ne doit pas mépriser son frère. Toutefois l’apôtre en fait un conseil qui s’adresse à tous, quand il dit : « Les uns les autres » ; il montre par là que, sans la paix, l’édification n’est pas facile.
« Que le manger ne soit pas cause que vous détruisiez l’ouvrage de Dieu (20) » ; ce qui veut dire, le salut de votre frère, réflexion qui doit inspirer de la crainte, en montrant que celui qui réprimande agit au rebours de – ce qu’il désire. En effet, non seulement, dit 'apôtre, vous n’édifiez pas ce que vous croyez édifier, mais vous détruisez, non l’édifice d’un homme, mais l’édifice de Dieu, et cela sans une grande raison, en ne poursuivant qu’un but chétif ; « Que le manger ne soit pas cause », dit-il. Ensuite, pour empêcher que ces concessions n’affermissent le plus faible dans ses erreurs, l’apôtre se retourne vers lui, et lui fait la leçon : « Ce n’est pas que toutes les viandes ne soient pures, mais un homme fait mal d’en manger, lorsqu’il le fait par le scandale, c’est-à-dire avec une conscience mauvaise. Ainsi quand vous auriez contraint votre frère, et que, de force, il aurait mangé, il n’y aurait là aucun profit ; ce n’est pas la nourriture qui souille, mais l’intention de celui qui mange. Si donc vous ne corrigez pas cette intention, tous vos efforts sont vains, et vous n’avez fait que nuire ; car il y a bien de la différence entre croire simplement qu’une viande est impure, ou d’en manger lorsqu’on la croit telle. Lors donc que vous violentez cette âme faible, vous péchez doublement : vous augmentez son préjugé en le combattant, vous l’obligez de manger d’une chose qu’elle croit impure. Par conséquent, tant que vous n’avez pas opéré la persuasion, n’exercez pas de contrainte. « Et il vaut mieux ne point manger de chairs, et ne point boire de vin, ni rien faire de ce qui est, à votre frère, une occasion de chute et de scandale, ou qui le blesse, parce qu’il est faible (21) ».
Voilà donc maintenant l’apôtre plus exigeant ; il ne lui suffit pas qu’on s’abstienne de la contrainte, il veut encore que l’on ait de la condescendance pour le chrétien judaïsant. Car lui-même en a souvent donné l’exemple, comme quand il circoncit son disciple, quand il se rasa les cheveux, quand il fit les oblations légales. Il n’eu fait pas ici, néanmoins, une règle expresse, il se contente de parler sous forme de sentence, il ne veut pas tomber dans l’inconvénient d’encourager la nonchalance des moins avancés. Que dit-il ? « Et il vaut mieux ne point manger de chairs ». Et que dis-je, de chairs ? Quand ce serait du vin, quand ce serait tout ce que vous voudrez qui serait une occasion de scandale, abstenez-vous ; rien ne peut entrer en comparaison avec le salut de votre frère. Et c’est ce que le Christ nous fait assez voir, lui qui est descendu du ciel, et qui a tout souffert pour nous. Il y a un reproche sensible pour les plus forts dans ces trois mots : « Une occasion de chute et de scandale, ou qui le blesse, parce qu’il est faible ». Ne m’objectez pas, dit l’apôtre, que votre frère agit sans raison, mais que vous pouvez le corriger. Sa faiblesse est une raison suffisante pour que vous lui veniez en aide, d’autant plus qu’il n’en résulte pour vous aucun tort. Car cotre condescendance ne sera point une hypocrisie, mais une indulgence édifiante et sage. Si vous usez de contrainte à son égard, il vous résiste, il vous condamne, et il s’opiniâtre dans son préjugé et dans son scrupule ; si, au contraire, il vous trouve indulgent, il se prend d’affection pour vous ; votre enseignement ne lui paraît pas suspect, et il vous met à même de répandre insensiblement en lui les semences de la vérité. Mais du moment qu’il aura conçu de la haine contre vous, vous aurez fermé vous-même tout accès dans son âme à vos paroles. Donc n’usez pas contre lui de contrainte, mais vous-même abstenez-vous, à cause de lui ; non pas parce que vous regardez les aliments comme impurs, mais parce que vous seriez pour lui un sujet de scandale ; par ce moyen vous accroîtrez son affection pour vous. Voilà dans quelle pensée Paul a dit : « Il vaut mieux ne point manger de chairs » ; ce n’est pas que la nourriture soit Impure, mais c’est que votre frère serait scandalisé et blessé. « Avez-vous une foi éclairée ? Contentez-vous de l’avoir dans le cœur (22) ». Ici l’apôtre me semble faire doucement allusion à la vanité des fidèles plus avancés. Voici ce qu’il entend dire : Voulez-vous me montrer votre perfection dans la sagesse ? ne me la montrez pas, qu’il vous suffise de votre conscience.
3. Quant à la foi dont parle ici l’apôtre, ce n’est pas la foi relative aux dogmes, mais celle qui est en rapport direct avec la question dont il s’agit. De la foi proprement dite, l’apôtre est le premier à dire : « Il faut confesser sa foi par ses paroles, pour être sauvé » (Rom.10,10) ;