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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/406

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et ailleurs il est écrit : « Celui qui m’aura nié devant les hommes, je le renierai moi aussi ». (Lc. 9,26) Renier sa foi, c’est se perdre ; quant à la foi qui nous occupe ici, ce qui est funeste, c’est de la confesser à contre-temps. « Heureux celui que sa conscience ne condamne point en ce qu’il veut faire ». Ici l’apôtre s’attaque encore au plus faible, et il lui montre que la seule conscience suffit à l’autre. Quand même on ne vous verrait pas, vous vous suffisez à vous-même, pour votre félicité. En effet, après avoir dit qu’on doit se contenter d’avoir la foi dans le cœur, Paul, qui ne veut pas que ce tribunal de la conscience paraisse peu respectable, dit que vous devez le mettre au-dessus de toute la terre. Quand tous les hommes vous accuseraient, si vous ne vous condamnez pas vous-mêmes, si votre conscience ne vous fait pas de reproches, vous êtes heureux. L’apôtre ne parle pas ici de tous les hommes absolument. Il en est un grand nombre qui ne se condamnent pas, et qui commettent des fautes très-graves ; ce sont là les plus malheureux de tous les hommes ; mais la pensée de Paul ne dépasse pas les bornes du sujet tout particulier qu’il traite ici.
« Mais celui qui, étant en doute s’il peut manger d’une viande, ne laisse pas d’en manger, est condamné (23) ». Encore une réflexion pour que l’on traite avec ménagement les moins avancés. Quel avantage en effet qu’ils mangent sans être sûrs de pouvoir le faire, et qu’ils se condamnent eux-mêmes ? Celui que j’estime, moi, c’est celui qui mange de tout, à la condition qu’il n’éprouve aucune hésitation à le faire. Voyez coin me il les invite non seulement à manger, mais à manger en toute pureté de conscience. Ensuite il dit pourquoi tel est condamné, « Parce qu’il n’agit pas selon sa foi » ; ce n’est pas parce que la nourriture est impure, mais parce qu’on n’agit pas selon sa foi : celui qui a mangé, ne croyait pas que la nourriture était pure, c’est quoiqu’il la crût impure qu’il y a goûté. Par ces paroles, l’apôtre montre aux plus avancés toute l’étendue du mal qu’ils font, en ayant recours à la violence, et non à la persuasion, pour faire goûter à des viandes que l’on croit impures ; il veut, par ces réflexions, faire cesser les reproches adressés aux chrétiens judaïsants. « Or, tout ce qui ne se fait point selon la foi, est péché ». Voilà un homme qui n’a pas la certitude, dit l’apôtre, il n’a pas la foi que la chair est pure, comment ne ferait-il pas un péché ? Toutes ces paroles ne s’appliquent, dans la pensée de Paul, qu’au sujet en question, et non à tous les sujets. Et considérez combien l’apôtre s’occupe d’éviter les occasions de scandale. Plus haut, il disait : « Si en mangeant de quelque chose vous attristez votre frère, dès lors vous ne vous conduisez plus par la charité ». Il ne faut pas chagriner son frère ; à bien plus forte raison convient-il de n’être pas pour lui un sujet de scandale. Et encore : « Que le manger ne soit pas cause que vous détruisiez l’ouvrage de Dieu ». C’est un crime, c’est un sacrilège de détruire l’église matérielle ; à bien plus forte raison, le temple spirituel, car l’homme est plus auguste, plus précieux qu’un édifice de pierre. Ce n’est pas pour les murailles que le Christ est mort, mais pour ces temples dont je parle.
Soyons donc circonspects, mes frères, et ne donnons à personne la moindre prise contre nous. La vie présente est un stade, il faut savoir regarder de tous les côtés à la fois, et ne pensons pas qu’il suffise d’ignorer pour être excusé. Il y a, n’en doutez pas, il y a un châtiment pour l’ignorance, quand l’ignorance est impardonnable. Les Juifs étaient dans l’ignorance, mais leur ignorance ne méritait pas le pardon ; les Grecs étaient aussi dans l’ignorance, mais ils ne peuvent invoquer d’excuse. Quand vous ignorez ce qu’il vous est impossible de connaître, vous êtes excusables ; mais quand ce que vous ne savez pas est facile à connaître, quand vous pouvez l’apprendre, vous devez vous attendre à la plus rigoureuse des réparations. D’ailleurs, si nous ne nous enfonçons pas à plaisir dans nos ténèbres, si nous faisons tout ce qui dépend de nous pour nous en retirer, Dieu, pour nous aider à en sortir, nous tendra la main ; c’est ce que Paul disait aux Philippiens : « Si en quelque point vous pensez autrement, Dieu vous découvrira ce que vous devez croire ». (Phil. 3,15) Mais quand nous ne voulons pas faire même ce qui ne dépend que de nous, nous ne devons pas nous attendre à son secours : c’est ce qui est arrivé aux Juifs. « C’est pourquoi je « leur parle en paraboles », dit le Christ, « parce qu’en voyant ils ne voient point ». (Mt. 13,13) Comment se faisait-il qu’en voyant ils ne vissent point ? Ils voyaient les démons chassés, et ils disaient : « Il est possédé