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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/412

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ajoute : « Selon l’esprit de Jésus-Christ ». C’est l’habitude constante de Paul ; il y a en effet un autre amour que celui-là. Et quel est le fruit de la concorde ? « Afin que vous puissiez, d’un même cœur et d’une même bouche, glorifier Dieu, le Père de Notre-Seigneur Jésus-Christ (6) ». Il ne dit pas seulement : « D’une même bouche », c’est la communion des âmes qu’il prescrit. Voyez-vous comme il cimente encore l’union du corps entier de l’Église, et comme il conclut encore en glorifiant Dieu ? C’est la raison qu’il emploie de préférence pour exciter à la concorde et à l’harmonie. Il reprend ensuite la même exhortation, en disant « C’est pourquoi unissez-vous les uns aux autres, pour vous soutenir mutuellement, comme Jésus-Christ vous a unis avec lui pour la gloire de Dieu (7) ». Encore le modèle d’en haut, et l’avantage ineffable ; car il n’est rien qui glorifie Dieu autant que cette communion de sentiments qui fait notre force. Aussi quel que soit le ressentiment personnel que vous éprouviez contre votre frère, considérez que, si vous apaisez votre colère, vous glorifiez le Seigneur ; faites-le ; et, si ce n’est pas pour votre frère, du moins pour Dieu, réconciliez-vous ; ou plutôt que ce soit pour Dieu principalement que vous pardonniez. Car le Christ ne fait que répéter sans cesse ce commandement, et il disait à son Père : « Ce qui fera connaître à tous que c’est vous qui m’avez envoyé, c’est qu’ils soient un. ». (Jn. 17,21)
Rendons-nous donc à ce désir de Jésus-Christ, unissons-nous étroitement les uns aux autres. Car ici l’apôtre ne s’adresse pas seulement aux faibles, il exhorte tous les hommes. Si l’on veut se séparer de vous, ne vous séparez pas, ne faites pas entendre cette, froide parole : qui m’aime, je l’aime ; si mon œil droit ne m’aimait pas, je l’arracherais : ce sont là des paroles de Satan, dignes des publicains, et qui respirent les haines des païens. Vous êtes appelés à une vie plus haute, vous êtes inscrits au ciel, vous êtes soumis à des lois plus nobles. Ne tenez donc pas de pareils discours. Celui qui ne veut, pas vous aimer, entourez-le d’une affection plus vive, pour l’attirer à vous ; c’est un de vos membres ; quand un de nos membres vient à être séparé du reste de notre corps, nous faisons tout pour l’y réunir, nous l’entourons alors de plus de soins et d’attention. Plus grande sera votre récompense si vous attirez à vous celui qui ne veut pas vous aimer. Si le Seigneur nous prescrit d’inviter à notre table ceux qui né peuvent pas nous rendre la pareille, et cela, afin que notre récompense soit augmentée, à bien plus forte raison faut-il se conduire de même en amitié. Car celui que vous aimez, et qui vous aime,.vous a payé ce qui vous est dû, tandis que celui que vous aimez et qui ne vous aime pas, a substitué en sa place Dieu pour débiteur auprès de vous ; et en outre, celui qui vous aime, n’a pas besoin de toute votre sollicitude ; au contraire, celui qui ne vous aime pas, c’est celui-là qui a besoin de votre secours. Que ce qui doit vous rendre plus vigilants, ne vous rende pas plus négligents, ne dites pas. voilà un malade, donc je ne m’en occupe pas ; car c’est la froideur de sa charité qui le rend malade : au contraire, attachez-vous à réchauffer cette charité refroidie. Mais, m’objecterez-vous, si je ne parviens pas à la réchauffer ? Persévérez, faites toujours ce qui dépend de vous. Mais s’il ne fait que se détourner de moi davantage ? Il vous assure alors une plus grande récompense, il sert d’autant plus à montrer que vous êtes un imitateur du Christ. Si l’affection mutuelle est la marque distinctive des disciples : « C’est en cela que tous connaîtront que vous êtes mes disciples, si vous avez de l’amour les uns pour les autres » (Jn. 13,35), jugez de l’affection portée à celui qui vous hait. Votre Seigneur répondait à, ceux qui le haïssaient, en les aimant, en leur adressant ses exhortations ; plus ils étaient faibles, plus il prenait soin d’eux ; il disait d’une voix retentissante : « Ce ne sont pas ceux qui se portent bien qui ont besoin du médecin, mais ceux qui sont malades » (Mt. 9,12) ; et ceux qu’il admettait à sa table, c’étaient des publicains et des pécheurs ; et plus les Juifs avaient d’outrages pour lui, et plus il avait d’égards pour eux, plus il leur prodiguait ses soins ; on ne peut dire jusqu’à quel point son zèle pour eux croissait de plus en plus.
Faites comme le Seigneur. Cette vertu n’est pas de peu d’importance, sans elle, un martyr même ne peut être agréable à Dieu, comme le dit Paul. (1Cor. 13,3) Gardez-vous donc, de dire : On me liait, voilà pourquoi je n’aime pas ; voilà pourquoi, au contraire, vous devez surtout montrer de l’amour. D’ailleurs il est impossible que celui qui aime devienne si facilement un objet de haine ; une bête sauvage