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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/422

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Maintenant, il ne veut pas, en leur parlant ainsi, exciter leur orgueil ; voyez comme il les rappelle à la modestie : « Lorsque je ferai le voyage d’Espagne, j’espère vous voir en passant ». Ces paroles ont pour objet de les empêcher de s’enorgueillir ; il veut leur montrer de l’affection, mais il ne veut pas enfler leur vanité. Voilà pourquoi il exprime sans cesse la même pensée, avec tout ce qui peut, de part et d’autre, confirmer la charité, ruiner l’orgueil. Voilà pourquoi il fait un second effort afin de prévenir cette pensée qu’il ne les verra qu’en passant, il leur dit : « Afin que vous me conduisiez » ; ce qui signifie : je veux que vous voyiez par vous-mêmes, que je ne vous méprise pas, que c’est la nécessité qui m’entraîne loin de vous. Toutefois ces paroles mêmes pouvaient leur causer quelque tristesse, il adoucit son discours, il ajoute : « Lorsque j’aurai un peu joui de votre présence ». L’expression : « En passant », montre assez qu’il ne tient pas à se faire valoir auprès d’eux ; mais : « Lorsque j’aurai un peu joui », montre le prix qu’il attache à leur affection ; ces paroles prouvent qu’il ne les aime pas d’un amour vulgaire, mais vif et passionné. Voilà pourquoi il ne dit pas seulement : « Joui », mais « un peu joui ». Je ne pourrais jamais jouir assez de manière à me rassasier de votre présence. Voyez-vous comme il prouve son affection ? Quelque pressé qu’il soit, il ne les quittera pas avant d’avoir pu jouir de leur présence. La vivacité de son affection pour eux éclate dans la chaleur de ses expressions. Il ne dit pas : Lorsque je vous aurai vus, mais : « Lorsque j’aurai joui » ; il se sert des mêmes paroles que les pères. Et, au commencement de la lettre, il disait : « Pour faire quelque fruit » ; ici, il se propose de jouir de leur présence ; deux manières de parler qui rendent ce qui l’attire auprès d’eux. La première est, pour eux, un grand éloge, puisque l’apôtre espérait des fruits de leur docilité ; la seconde marque l’affection que Paul ressent personnellement pour les fidèles de Rome. Il écrivait aux Corinthiens : « Afin que vous me conduisiez où je pourrai aller (1Cor. 16,6) ; en toute circonstance, il montre à ses disciples une affection sans égale. C’est toujours de cette manière qu’il commence ses lettres, et il les termine par l’expression du même sentiment.
4. Comme un bon père chérit son fils unique, son enfant à lui, c’est ainsi que Paul chérissait tous les fidèles : Aussi disait-il « Qui est malade sans que je sois malade avec lui ? Qui est scandalisé sans que je brûle ? » (2Cor. 11,29) Ce doit être la, dans celui qui enseigne, la première de toutes les vertus. Voilà pourquoi le Christ disait à Pierre : « Si vous m’aimez, paissez mes brebis ». (Jn. 21,17) Qui aime le Christ, aime aussi son troupeau. Ce qui valut à Moïse d’être mis à la tête des Juifs, c’est la bouté qu’il montra pour eux ; ce qui éleva David à la royauté, ce fut d’abord l’amour qu’il montra pour le peuple. Jeune encore, il s’affligeait de ses douleurs, au point d’exposer sa vie, lorsqu’il abattit ce géant barbare. Quoiqu’il ait dit : « Que donnera-t-on a celui qui tuera cet étranger ? » (1Sa. 17,26), ce qu’il demandait, ce n’était pas la récompense, mais la confiance qui s’en reposerait sur lui, qui le chargerait du combat. Aussi, après la victoire, retourné près du roi, il ne dit pas un mot du salaire. Samuel aussi était plein d’amour pour le peuple, et il disait : « Dieu me garde de commettre ce péché, que je cesse jamais de prier pour vous le Seigneur » ; (1Sa. 12,23) C’est ainsi que se montra le bienheureux Paul ; ou plutôt il surpassait de beaucoup tous les autres par l’ardeur de son amour pour ceux qu’il gouvernait. Aussi les sentiments qu’il inspira pour lui à ses disciples, furent tels qu’il disait d’eux : « S’il eût été, possible, vous vous seriez arraché les yeux, pour me les donner ». (Gal. 4,15) Voilà pourquoi Dieu adresse aux pasteurs des Juifs, des accusations plus sévères qu’à tous les autres, il leur dit : « O pasteurs d’Israël, est-ce que les pasteurs se paissent eux – mêmes ? Est-ce qu’ils ne paissent pas leurs brebis ? » Ces pasteurs faisaient tout le contraire. « Vous mangez le lait », dit-il, « et vous vous couvrez de la laine ; ce qu’il y a de plus gras, vous l’égorgez, et vous ne paissez pas les brebis ». (Ez. 34,2, 3)
Et le Christ formulant la règle du bon pasteur : « Le bon pasteur », disait-il, « donne sa vie pour ses brebis ». (Jn. 10,11) C’est ce que David montra en beaucoup de circonstances, et surtout lorsque la colère du ciel, colère terrible, menaçait tout le peuple ; les voyant tous périr, il disait : « C’est moi qui ai péché ; c’est moi qui suis coupable ; qu’ont fait ceux-ci qui ne sont que des brebis ? » ([[Bible_Crampon_1923/2_Samuel|2Sa. 24,