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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/421

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éloignés, ceux des Sarrasins, des Perses, des Arméniens, de tous les autres barbares. Voilà pourquoi il dit : « En faisant le tour ». Ne vous contentez pas de suivre tout droit le chemin battu, mais parcourez, par la pensée, toute l’Asie méridionale. De même qu’une courte expression lui suffit pour résumer une infinité de miracles, « Par la vertu des miracles et des prodiges », de même, pour embrasser une foule innombrable de villes, de nations, de peuples, de contrées, c’est assez pour lui, de ces mots : « En faisant le tour » ; l’apôtre n’avait aucun orgueil ; son discours n’avait pour but que de les empêcher d’avoir trop bonne opinion d’eux-mêmes. Il commence sa lettre en leur disant : « Pour faire quelque fruit parmi vous, comme parmi les autres nations » (Rom. 1,13) ; maintenant dans le passage qui nous occupe, il établit la nécessité où il est d’accomplir son sacerdoce. Comme il avait parlé avec une certaine rudesse, il tenait à leur bien montrer son pouvoir. Voilà pourquoi, dans le commencement de la lettre, il s’est borné à dire : « Comme parmi les autres nations » ; mais ici il développe, il insiste, afin de réprimer par tous les moyens leur orgueil. Et il ne dit pas seulement : De sorte que j’ai prêché l’Évangile, mais : « J’ai tout rempli de l’Évangile du Christ. Et je me suis tellement acquitté de ce ministère, que j’ai eu soin de ne pas prêcher l’Évangile dans les lieux où Jésus-Christ avait déjà été prêché (20) ».
3. Autre excès d’attention, maintenant ; non seulement tant de peuples évangélisés et convertis, mais il a eu soin de ne pas se rendre au milieu des peuples qui avaient déjà reçu la doctrine. 11 est si éloigné de la prétention d’aller se jeter au milieu des disciples des autres, si éloigné de toute poursuite d’une vaine gloire, qu’il n’a de souci que pour instruire ceux qui n’ont encore rien appris. Il ne dit pas : Les lieux où il y avait des fidèles, mais : « Les lieux où Jésus-Christ avait déjà été prêché » ; il y a dans cette expression, une preuve de circonspection poussée plus loin. Et pourquoi tant de précautions ? « Pour ne point bâtir sur le fondement d’autrui ». Ce qu’il dit, pour montrer combien il recherche peu la vaine gloire, et il leur fait entendre par là que s’il s’applique à les instruire, que s’il leur écrit, ce n’est pas pour faire parler de lui, ce n’est pas pour s’attirer leur considération, mais parce qu’il doit remplir son ministère, s’acquitter de son sacerdoce, parce qu’il désire leur salut. Quant à ce qu’il dit de « Ne point bâtir sur le fondement d’autrui », sur un fondement étranger, il n’a point en vue la personne des autres apôtres, ni la nature de leur prédication, mais la considération de la récompense. En effet, les prédications étaient toujours les mêmes, mais ce n’étaient pas les mêmes personnes qui avaient mérité la récompense ; la récompense due au labeur des autres, ce n’était pas à lui à la recevoir.
L’apôtre parle ensuite de l’accomplissement de la prophétie : « Comme il a été écrit : « Ceux à qui il n’avait point été annoncé, verront sa lumière ; et ceux qui n’avaient point encore entendu parler de lui, auront l’intelligence de la doctrine (21) ». Le voyez-vous accourir où il y a plus de labeurs à supporter, de sueurs à répandre ? « C’est ce qui m’a souvent empêché d’aller vers vous (22) » ; réflexion, vous le voyez, qui rappelle, pour finir, le commencement de sa lettre. Il disait en commençant : « J’avais souvent proposé de vous aller voir, mais j’en ai été empêché jusqu’à cette heure » (Rom. 1,13) ; il donne ici la raison qui l’a empêché, et il ne se contente pas de la donner une fois, mais il la répète à plusieurs reprises. De même qu’il disait plus haut : « J’avais souvent proposé de vous aller voir », de même ici : « C’est ce qui m’a souvent empêché d’aller vers vous ». La vivacité de son désir se révèle par ces efforts tentés plus d’une fois. « Mais n’ayant plus maintenant aucun sujet de demeurer dans ce pays-ci… (23) ». Voyez-vous comme il montre bien que ce n’est pas pour se faire, valoir auprès d’eux qu’il leur écrit, et qu’il veut les aller trouver ? « Et désirant, depuis plusieurs années de vous aller voir, lorsque je ferai le voyage d’Espagne, j’espère vous voir en passant, afin que vous me conduisiez en ce pays-là, lorsque j’aurai un peu joui de votre présence (24) ». Il aurait eu l’air de les mépriser, s’il leur eût dit : c’est parce que je n’ai rien à faire que je me rends auprès de vous ; voilà pourquoi il reprend le langage de l’affection : « Et désirant, depuis plusieurs années, de vous aller voir ». Si j’ai désiré d’aller auprès de vous, ce n’est pas seulement pour occuper mon loisir, mais voilà longtemps que je ressens ce désir, c’est un enfantement de mon cœur, et mon cœur veut être délivré.