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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/424

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suite. On dit que ceux de l’Afrique ne supportent pas moins de rudes épreuves, parcourant des mois entiers ce triste désert, rempli des monstres les plus sinistres. Si tel est le zèle qu’on montre pour des êtres sans raison, quelle excuse pourrions-nous avoir, nous à qui des âmes raisonnables ont été confiées, de dormir d’un si profond sommeil ? devrions-nous seulement respirer ? devrions-nous prendre le moindre repos ? ne devrions-nous pas, au contraire, courir de tous les côtés, nous exposer à mille morts pour de semblables brebis ? Pouvez-vous ignorer le prix de ce troupeau ? n’est-ce pas pour lui que votre Seigneur a enduré tant et tant de souffrances et a fini par répandre son propre sang ? mais vous, vous cherchez du repos ? eh ! que pourrait-on concevoir de plus indigne que de pareils pasteurs ? Ne savez-vous pas qu’autour de ces brebis rôdent des loups bien plus terribles, bien plus cruels que les loups vulgaires ? ne considérez-vous pas toutes les vertus de l’âme, toutes les qualités nécessaires à qui se charge d’un tel gouvernement ? Les hommes qui sont à la tête des peuples, à qui sont commis des intérêts vulgaires, ajoutent au travail des jours les nuits passées sans sommeil ; et nous, qui luttons pour conquérir le ciel, nous passons le jour même à dormir ! et qui donc saura nous soustraire au juste châtiment d’une pareille conduite ? quand nous devrions nous briser le corps, quand nous devrions mille fois mourir, ne serait-il pas de toute justice à nous de courir comme pour une fête ?
Écoutez mes paroles, non seulement vous, ô pasteurs, mais vous aussi, ô brebis ; les uns, pour devenir plus zélés, plus habiles à embraser les cœurs de bonne volonté, les autres pour devenir plus dociles dans l’obéissance parfaite. C’était là ce que prescrivait Paul : « Obéissez à vos conducteurs, et soyez soumis à leur autorité, car ce sont eux qui veillent pour vos âmes, comme devant en rendre compte ». (Héb. 13,17) Ce mot « veillent » exprime des milliers de fatigues, de soucis, de dangers. Le bon pasteur, tel que le Christ le demande, rivalise avec tous les martyrs. Un martyr ne meurt qu’une fois, mais le pasteur, s’il est du moins ce qu’il doit être, meurt mille fois pour son troupeau ; il n’est pas de jour où la mort ne puisse le frapper. Eh bien donc, vous qui savez ces choses, qui reconnaissez les fatigues qu’il se donne, coopérez avec lui, par vos prières, par votre zèle, par votre ardeur, par votre, affection, afin que nous soyons votre glorification, et que vous deveniez la nôtre. Si Notre-Seigneur a confié son troupeau à ce chef des apôtres qui avait pour lui plus d’amour que tous les autres ensemble, si d’abord le Christ a demandé à Pierre : « M’aimez-vous ? » (Jn. 21,15), c’est pour vous faire comprendre que la sollicitude apostolique est regardée par lui comme le meilleur signe de l’amour qu’on lui porte, car c’est ce qui demande une âme virile. Et maintenant j’ai parlé de ceux qui sont, par excellence, des pasteurs, je n’ai parlé ni de moi, ni de ceux qui nous ressemblent, mais des pasteurs comme Paul, ou Pierre, ou Moïse. Qu’ils soient donc nos modèles à nous qui exerçons ou qui subissons l’autorité ; car le simple fidèle lui-même est comme le pasteur de sa maison, de ses amis, de ses serviteurs, de sa femme, de ses enfants : et, si nous entendons de cette manière l’administration des intérêts qui nous sont confiés, nous obtiendrons tous les biens : puissions-nous tous entrer dans ce partage, par la grâce et par la bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ, avec qui la gloire, l’empire, l’honneur, appartiennent au Père comme au Saint-Esprit, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il. ==