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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/428

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imitons-la, hommes et femmes, et imitons, après elle, cette autre sainte que nous allons voir avec sou mari. Quel est ce couple ? « Saluez », dit-il, « de ma part, Priscilla et Aquilas, qui ont travaillé avec moi, en Jésus-Christ (3) ». Luc aussi témoigne de leur vertu, par ces paroles : « Paul demeura auprès d’eux, parce que leur métier était de faire des tentes » ; c’est dans le chapitre où Luc montre cette sainte femme retirant chez elle Apollon et l’instruisant de la voie du Seigneur. (Act. 18,2, 3)
3. Voilà de grands titres, mais Paul leur en décerne de bien plus grands encore. Car que dit-il ? D’abord, ils ont, dit-il, travaillé avec lui ; ses fatigues inouïes, ses dangers, l’apôtre montre qu’ils les ont partagés. Ensuite il ajoute : « Qui ont exposé leur tête, pour me sauver la vie (4) ». Voyez-vous les martyrs prêts à tout ? Évidemment, sous Néron, les fidèles couraient mille dangers, il avait donné l’ordre d’expulser de Rome tous les Juifs. « Et à qui je ne suis pas le seul qui soit obligé, mais encore toutes les Églises des gentils ». Il fait entendre ici l’hospitalité reçue avec des secours en argent, et il les exalte parce qu’ils lui auraient donné tout leur sang, tout ce qu’ils avaient. Voyez-vous ces femmes généreuses, dont le sexe n’embarrasse nullement l’essor qui les transporte à la plus haute vertu ? Et il n’y a là rien de surprenant : « Car, en Jésus-Christ, il n’y a ni homme ni femme ». (Gal. 3,28) Et maintenant, ce que Paul a dit de Phébé, il le dit également de celle-ci : ses paroles, à propos de la première, étaient : Elle en a assisté plusieurs, et moi, « en particulier » ; à propos de la seconde, écoutez : « À qui je ne suis pas le seul qui soit obligé, mais encore toutes les Églises des gentils ». Et pour ne pas paraître faire entendre une flatterie, il produit d’autres témoins qui sont bien plus considérables en nombre que ces femmes. « Saluez aussi l’Église qui est dans leur maison ».
C’étaient de si saintes personnes, qu’elles faisaient, de leur maison, une Église, et parce qu’elles rendaient fidèles tous ceux qui la fréquentaient, et parce qu’elles l’ouvraient à tous les étrangers. L’apôtre ne prodigue pas aux demeures particulières le nom d’Églises, il veut que la piété, il veut que la crainte de Dieu y soit profonde, enracinée. Voilà pourquoi il disait aussi aux Corinthiens, « Saluez Aquilas et Priscilla, avec l’Église qui est dans leur maison » (1Cor. 16,19) ; et, dans la lettre où il recommande Onésime : « Paul à Philémon et à notre bien-aimée Appie, et à l’Église qui est dans votre maison ». (Phm. 1,1, 2) On peut être marié, et montrer de grandes vertus. Voyez, ces personnes étaient mariées, leurs vertus les faisaient briller, quoique leur profession fût peu brillante, ce n’étaient que des faiseurs de tentes ; leur vertu relève l’humilité de leur condition, et les a rendus plus éclatants que le soleil ; ni leur profession, ni le joug du mariage ne leur a porté de préjudice, ils ont montré cette charité que Jésus-Christ a réclamée de nous : « Personne en effet », dit-il, « ne peut avoir un plus grand amour que celui qui donne sa vie pour ses amis ». (Jn. 15,13) Ce qui est le caractère distinctif du disciple, ils l’ont glorieusement montré ; ils ont pris la croix et ont suivi la route. Ceux qui ont fait cela pour Paul ont bien plus encore montré leur courage pour Jésus-Christ.
Écoutez ces paroles, riches et pauvres. Si les ouvriers qui vivent de leurs mains, qui ont à conduire un atelier, ont montré une générosité si large, qu’ils, ont été utiles à un grand nombre d’Églises, quelle pourrait être l’excuse des riches qui méprisent les pauvres ? Ces fidèles n’ont pas même épargné leur sang dans leur désir de se rendre agréables à Dieu ; et vous, vous épargnez des biens sans valeur qui souvent vous font négliger votre âme. Mais, peut-être, ils se sont ainsi conduits envers le maître, mais, envers les disciples, ils n’agissaient pas de même ? Il est impossible de tenir un pareil discours : les Églises des gentils, dit l’apôtre, leur rendent des actions de grâces. Sans doute, c’étaient des Juifs ; pourtant leur foi était si sincère qu’ils se mettaient avec un zèle ardent au service des gentils. Tel doit être l’exemple des femmes : « Ni frisures, ni or, ni habits somptueux » (1Tim. 2,9) ; qu’elles se parent de semblables vertus.
Quelle reine, répondez-moi, a jamais brillé d’un si vif éclat, a mérité un si bel éloge que cette femme d’un faiseur de tentes ? Elle est dans toutes les bouches, non seulement pour dix ou vingt ans, mais jusqu’à l’avènement du Christ, et tous les discours qui la glorifient lui font une parure plus belle qu’un diadème impérial. Quelle gloire supérieure, quelle gloire égale à la gloire d’avoir assisté Paul, d’avoir, en s’exposant aux périls, sauvé le