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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/441

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généreux, ce n’est pas seulement la parole, c’est, avant tout, la prière qu’il fait pour l’utilité de ceux qui s’instruisent auprès de lui. Aussi le livre des Actes dit-il : « Pour nous, nous nous appliquerons surtout à la prière, et à la dispensation de la parole ». (Act. 6,4)
Qui donc priera aussi pour nous, puisque Paul est parti ? Ce sont les imitateurs d e Paul que je vois ici ; montrons-nous seulement dignes d’un tel patronage, afin que tout ne se borne pas, pour nous, à entendre ici la voix de Paul, mais qu’après notre départ d’ici, nous soyons jugés dignes de voir là-haut l’athlète de Jésus-Christ : je me trompe, si nous l’écoutons ici-bas, là-haut, il n’en faut pas douter, nous le verrons ; quand même nous ne serions pas tout près de lui, nous le verrons, il n’en faut pas douter, resplendissant, près du trône royal, où les Chérubins font entendre leurs hymnes de gloire, où planent les Séraphins. Là, nous verrons Paul avec Pierre, nous verrons, dans le chœur des saints, le chef et le prince, et là nous jouirons du vrai et pur amour. Car si Paul sur la terre a tant aimé les hommes qu’au lieu de voir rompre ses liens, de vivre auprès du Christ, il a préféré de rester parmi nous ; bien autrement brûlant sera l’amour qu’il nous montrera dans le ciel. Je veux vous dire pourquoi j’aime Rome, quoiqu’il y ait tant de raisons pour la célébrer, quoiqu’on puisse exalter sa grandeur, son origine antique, sa beauté, sa population si nombreuse, sa puissance, ses richesses, sa gloire dans les combats ; mais je veux tout oublier, et je dis que Rome est bien heureuse, parce que c’est à elle qu’écrivait Paul vivant, parce que Paul avait tant d’amour pour elle, parce que Paul fut présent et fit entendre ses discours au sein de ses murailles, parce que c’est dans Rome qu’il termina sa carrière. Oui, voilà pourquoi c’est une illustre cité, et cette gloire efface toutes ses autres gloires ; Rome, c’est un corps de grande taille et vigoureux, qui a deux yeux étincelants, les corps de ces deux saints. Moins resplendissant est le ciel illuminé des rayons du soleil, que Rome avec ces deux flambeaux qui rayonnent sur tous les points de l’univers. C’est de Rome que Paul sera ravi au ciel, c’est de Rome que Pierre prendra son essor. Concevez, frissonnez en concevant le spectacle réservé aux regards de Rome ; Paul tout à coup se relève de cet illustre tombeau, il s’enlève avec Pierre, ils vont à la rencontre du Seigneur ; quelle rose le Christ reçoit de la part de Rome, quelles couronnes ceignent le front de la ville sainte, quelles ceintures d’or l’embellissent, quelles sources elle épanche ! Voilà pourquoi je l’admire ; ni ses trésors, ni les colonnes de ses palais ne m’occupent, non plus que tout son faste, c’est elle qui les possède ces deux colonnes de l’Église.
3. Qui me donnera donc d’embrasser le corps du glorieux Paul, de demeurer attaché à son tombeau, de voir les cendres de ce corps qui suppléait dans sa chair à ce qui manquait aux souffrances de Jésus-Christ, qui portait les stigmates du Sauveur, qui répandait partout la prédication ? la poussière de ce corps qui rendait l’Évangile partout présent ; la poussière de cette bouche qui faisait parler le Christ ; dont l’éloquence brillait plus que l’éclair ; dont la voix tombait, plus terrible que le tonnerre, sur les démons ; de cette bouche qui prononçait cette grande et bienheureuse parole : « J’eusse désiré être anathème pour mes frères » (Rom. 9,3) ; par qui l’apôtre parlait aux rois en face et sans rien craindre ; par qui nous avons appris à connaître Paul, par qui nous avons connu le Maître de Paul ? Non, le tonnerre n’est pas pour nous aussi formidable que l’était cette voix pour les démons. S’ils frissonnaient à l’aspect de ses vêtements, à bien plus forte raison, au bruit de sa voix. Cette voix les emmenait captifs, cette voix purifiait la terre, cette voix guérissait les maladies, exterminait la malignité, ramenait la vérité, proclamait le Christ qui l’inspirait, qu’elle accompagnait en tout lieu ; on entendait les Chérubins eux-mêmes, lorsqu’on entendait la voix de Paul. Le Christ qui réside en ces vertus, résidait de même dans sa langue. Car elle s’était rendue digne de recevoir le Christ, cette langue qui ne parlait que pour dire les vérités chères au Christ, et dont les accents s’élevaient comme le vol des Séraphins. Car quoi de plus élevé que ces paroles : « Je suis assuré que ni les anges, ni les principautés, ni les puissances, ni les choses présentes, ni les futures, ni tout ce qu’il y a de plus haut, ni tout ce qu’il y a de plus profond, ni aucune autre créature ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu en Jésus-Christ ? » (Rom. 8,38) Ne sont-ce pas là des paroles qui ont des ailes, qui ont des yeux ? Aussi disait-il de Satan : « Nous