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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/452

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cela, c’est le temps aussi, c’est l’instrument, à savoir la croix, qui marque la sagesse divine. Il serait trop long de montrer ici comment la sagesse éclate en cela, et par là nous fut inspirée. De là ce qui suit : « Selon le bienveillant dessein qu’il avait préconçu en lui-même ». En d’autres termes, ce qu’il désirait, ce dont il brûlait, c’était de pouvoir nous révéler le mystère. Quel mystère ? qu’il veut faire siéger l’homme là-haut. Or cela arriva : « Pour la dispensation de la plénitude des temps, pour restaurer dans le Christ tout ce qui est dans les cieux, et tout ce qui est sur la terre en lui-même (10) ». Les choses célestes étaient séparées des choses terrestres, elles n’avaient point le même chef. Au point de vue de la création il n’y avait qu’un seul Dieu : mais au point de vue du culte il n’en était pas encore de même, attendu la diffusion de l’erreur païenne, qui avait écarté les gentils de l’obéissance à Dieu. « Pour la dispensation et la plénitude des temps ». C’est ce qu’il veut faire entendre par « La plénitude des temps ». Remarquez la justesse des expressions : il a rapporté au Père l’origine, le projet, la volonté, le premier mouvement ; à la médiation du Fils, l’accomplissement, la réalisation, mais nulle part il n’appelle ministre le Fils. « Il nous a élus », dit-il, « en lui. Nous ayant prédestinés à l’adoption par Jésus-Christ pour lui et pour la louange et la gloire de sa grâce. En qui nous avons la rédemption par son sang. Laquelle il avait préconçue en lui pour la dispensation de la plénitude des temps, afin de restaurer tout dans le Christ ». Et nulle part il n’appelle le Fils ministre. Que si ces mots « Dans » et « Par » indiquent un ministre, voyez la conséquence. Tout au commencement de son épître, il nous dit : « Par la volonté du Père ». Le Père a voulu, le Fils a opéré. Mais il ne faut pas dire que parce que le Père a voulu, le Fils est exclu de l’opération ; ni que, parce que le Fils a opéré, la volonté a été retirée au Père : tout est commun entre le Père et le Fils : « Tout ce qui est à moi est à toi, et tout ce qui est à toi est à moi[1] ». (Jn. 17,10) La plénitude des temps, c’était sa venue.

Comme il avait tout fait au moyen des anges, des prophètes de la loi, et que cela n’avait servi de rien, et qu’il était à craindre que l’homme ne fût né, n’eût été produit en vain, ou plutôt, pour son malheur, dans cette ruine générale, plus épouvantable que celle du déluge, Dieu trouva cette dispensation au moyen de la grâce, pour que l’homme ne fût pas inutilement venu au monde. Voilà ce qu’il appelle « Plénitude des temps », et « Sagesse ». Comment ? Parce que c’est justement quand les hommes devaient périr, qu’ils furent sauvés. « Pour restaurer ». Qu’est-ce à dire, « Restaurer ? » Cela signifie réunir. Mais hâtons-nous d’approcher de la vérité même. Chez nous et dans l’usage, le mot employé par Paul signifie abréger, résumer de longs développements[2]. Ici, c’est la même chose : il a résumé, abrégé en lui tous les actes de sa Providence durant un long temps. Consommant la parole, et la résumant en justice, il a tout embrassé, et y a encore ajouté. Voilà le sens de cette expression : mais elle indique encore autre chose. Quoi donc ? C’est que Dieu a imposé un même chef[3] à tous, anges et hommes, le Christ incarné : il a soumis anges et hommes au même Christ ; il lui a soumis ceux-là, parce qu’il est le Dieu Verbe, ceux-ci, parce qu’il est le Verbe incarné. Ainsi qu’on peut dire en parlant d’une maison en partie solide, en partie délabrée : un tel a réparé sa, maison, c’est-à-dire l’a rendue plus solide, l’a assise sur un fondement plus ferme : de même ici Dieu a tout soumis à un même chef. Ainsi donc, comblé de tant de dons, d’honneurs, de bontés, ne faisons point honte à notre bienfaiteur, ne rendons pas tant de grâces inutiles, montrons une vie, une vertu, une conduite digne des anges : oui, je vous en prie, je vous en conjure, afin que toutes ces choses ne deviennent point des griefs ni des motifs de condamnation contre nous, mais nous procurent la jouissance des biens auxquels puissions-nous tous parvenir par la grâce et la bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ avec qui au Père et au Saint-Esprit, gloire, puissance, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.

  1. Cette discussion est dirigée contre les Ariens et autres hérétiques.
  2. Nous n’avons pas de mot équivalent en français au grec άναχεφαλαιωσαθαι que nous avons rendu par un mot emprunté aux traductions les plus autorisées de l’Évangile.
  3. Κεφαλέ. — Même observation que plus haut.