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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/451

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sa grâce, et pour montrer sa grâce, restons dans la grâce. « Pour la louange de sa gloire ». Qu’est-ce à dire ? Pour qu’on le loue ? pour qu’on le glorifie ? nous, les anges, les archanges, toutes les créatures ? Et à quoi bon ? À rien, car rien ne manque à Dieu. Pourquoi donc veut-il être loué et glorifié par nous ? C’est afin que notre amour pour lui devienne plus ardent. Il ne désire rien de nous, si ce n’est notre salut ; ni service, ni gloire, ni quoi que ce soit ; en toutes choses, c’est notre salut seul qu’il a en vue. Celui qui loue et admire la grâce qui lui a été faite, celui-là deviendra plus fervent, plus zélé. « Dont il nous a gratifiés », et non pas : Qu’il nous a octroyée ; c’est-à-dire, que non seulement il nous a déchargés de nos péchés, mais qu’il nous a encore rendus aimables. Supposez que, trouvant un lépreux affaibli par la maladie, la vieillesse, la misère, la faim, on en fasse aussitôt un charmant jeune homme, qui éclipse tout le monde par sa beauté, dont les joues brillent d’un vif incarnat, dont les regards effacent l’éclat des rayons du soleil ; qu’on le ramène à la fleur de l’âge, qu’on le pare d’une robe de pourpre, d’un diadème et de tous les ornements royaux. Eh bien ! c’est ainsi que Dieu a embelli notre âme, qu’il l’a rendue charmante, séduisante, aimable. Elle est telle que les anges, les archanges, toutes les autres puissances aiment à la contempler, tant il nous a faits charmants et dignes de son amour. « Le roi », est-il écrit, « désirera ta beauté ». (Psa. 44,12) Notre langage, autrefois funeste, est devenu plein de grâce. Nous n’admirons pas la richesse, les biens d’ici-bas, mais seulement les trésors d’en haut, les choses du ciel. N’appelons-nous pas gracieux le jeune homme qui, aux avantages du corps joint un grand charme de paroles ? Tels sont les fidèles. Voyez comment parlent les initiés. Quoi de plus gracieux qu’une bouche qui profère des paroles sublimes, qui prend part, dans la pureté du cœur et des lèvres, à cet admirable banquet mystique, avec gloire, avec confiance ? Quoi de plus gracieux que les paroles par lesquelles nous renonçons au diable, par lesquelles nous nous rangeons sous l’étendard du Christ ? que cette confession qui précède le baptême, que celle qui la suit ? Songeons combien nous sommes qui avons perdu la grâce du baptême, et gémissons afin de pouvoir la reconquérir.

« Par son bien-aimé, en qui nous avons la rédemption par son sang (7) ». Comment cela ? Ce qu’il y a d’admirable, ce n’est pas seulement que Dieu ait donné son Fils, c’est encore qu’il l’ait donné de telle sorte que ce bien-aimé fût égorgé. Étrange excès : il donne le bien-aimé pour ceux qui étaient haïs. Voyez pour combien il nous compte. S’il a été jusqu’à nous donner son bien-aimé quand nous le haïssions et que nous étions ses ennemis, que ne fera-t-il pas, quand la grâce nous aura réconciliés avec lui ? « Et la rémission des péchés ». Il redescend du ciel sur la terre. Il a commencé par parler d’adoption, de sanctification, d’hommes sans tache, et voici qu’il arrive à nos infirmités ; ce n’est pas à dire qu’il s’abaisse, ni qu’il passe du grand au petit, il remonte au contraire du petit au grand. Car il n’est rien d’aussi grand que l’effusion du sang de Dieu pour nous ; l’adoption et les autres bienfaits n’égalent pas ce sacrifice de son propre fils. C’est une grande chose que d’être déchargé de ses péchés ; mais que cela s’opère par le sang du Seigneur, voilà ce qui est grand surtout. La preuve que ceci surpasse de beaucoup tout le reste, elle est dans ce que Paul proclame ici même : « Selon les richesses de sa grâce qui a surabondé en nous (8) ». Il y a d’autres richesses, mais les plus véritables sont celles-ci : « Qui a surabondé en nous ». C’est une richesse, et elle a surabondé, c’est-à-dire a été prodiguée à un degré ineffable. On ne saurait exprimer par des paroles ces choses que l’expérience nous a fait connaître. C’est bien une richesse, une richesse qui surabonde, une richesse non des hommes, mais de Dieu, de sorte qu’on ne saurait l’exprimer par aucune parole. Puis montrant comment Dieu nous a fait ce don avec surabondance, il ajoute : « En toute sagesse et toute intelligence, pour nous faire connaître le mystère de sa volonté (9) », c’est-à-dire, pour nous rendre sages et intelligents de la vraie sagesse, de la vraie intelligence.

4. Quelle amitié ! il nous dit ses mystères. « De sa volonté », dit-il ; il nous révèle, pour ainsi dire, ce qui est dans son cœur. Voilà le grand mystère de sagesse et d’intelligence. Que pourriez-vous égaler à une pareille sagesse ? D’indignes créatures, il trouve moyen de les élever à la richesse. Quelle industrie pareille ? L’ennemi, celui qui était haï, le voilà tout à coup porté là-haut. Et ce n’est pas seulement