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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/457

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prenez le bien des autres ? Cependant la richesse ne consiste pas en cela, mais à conserver ce qu’on a en propriété ; pour celui qui a le bien d’autrui, ce ne saurait être un riche ; autrement, ceux qui revendent de riches étoffes qu’ils ont achetées d’autrui, devraient être appelés les plus riches des hommes ; ces choses sont à eux pour un temps ; néanmoins nous ne les appelons pas riches. Pourquoi ? Parce qu’ils n’ont en main que le bien d’autrui. À supposer que les étoffes soient à eux, ils n’en ont pas le prix ; et quand bien même ils en auraient le prix, ce n’est pas là une richesse. Que si les choses qui s’échangent ne constituent pas une richesse, à cause de la promptitude avec laquelle nous nous en séparons, comment des biens usurpés feraient-ils un riche ? Mais tu désires t’enrichir à tout prix (tu désires, car la nécessité n’y est pour rien) ; quel bien veux-tu donc avoir en plus grande abondance ? Est-ce une vie plus longue ? Mais les hommes de cette espèce ne vivent pas longtemps. Souvent ils sont punis de leurs rapines et de leur convoitise par une fin prématurée qui les empêche de jouir longtemps de leurs acquisitions, et les conduit dans l’enfer, seul bien qu’ils aient gagné ; souvent encore le luxe, les fatigues, les inquiétudes, leur causent des maladies qui les emportent.

Je voudrais savoir pourquoi la richesse excite l’ambition des hommes. Cependant si Dieu a prescrit des limites et des bornes à la nature, c’est pour que nous ne soyons nullement contraints de rechercher la richesse ; par exemple, il a voulu que nous eussions un vêtement ou deux pour nous couvrir ; en avoir plus ne sert de rien pour cet usage. À quoi bon tant d’habillements qui ne servent qu’à nourrir les teignes ? L’estomac de même n’a qu’une capacité bornée : le charger au-delà d’une certaine mesure est chose funeste à tout animal. À quoi bon tant de bétail, de bergeries, et tous ces massacres de viandes ? Nous n’avons besoin que d’un toit pour nous abriter. À quoi bon les péristyles et les constructions dispendieuses ? Pour loger les vautours et les corbeaux, vous dépouillez les pauvres. Quels tourments de l’enfer sont assez rigoureux pour une telle conduite ? Combien de gens font bâtir dans des endroits qu’ils n’ont pas même vus des édifices tout resplendissants de colonnes et de marbres précieux (que ne vont-ils pas imaginer !) Et ils n’en jouissent pas, ni eux, ni personne : car l’isolement les retient ; néanmoins ils continuent. Voyez-vous que l’amour du gain même n’est pour rien là dedans ? Tout cela a sa source dans la démence, la déraison, la vanité : fuyons ces vices, je vous en conjure, afin d’échapper aux autres maux, et d’obtenir les biens promis, à ceux qui l’aiment en Jésus-Christ Notre-Seigneur.