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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/462

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qui songent à l’argent, d’autres qui se laissent séduire par les passions !

4. Ne voyez-vous pas que dans notre corps aussi, tout ce qui est inutile et hors de service est coupé, retranché ; avoir fait partie du corps, cela ne sert de rien au membre perclus, paralysé, gangrené, dont le mal peut se communiquer aux autres. Ne nous rassurons donc point par cette pensée que nous faisons partie du corps une fois pour toutes. Si un corps formé par la nature n’en est pas moins amputé, quelle terrible opération ne subira pas le corps formé par le libre arbitre, s’il ne reste pas en santé ? Le corps, ouvrage de la nature, est paralysé quand il ne participe plus à la nourriture matérielle, quand les pores en sont obstrués ; il est perclus, quand les vaisseaux ne font plus leur office. De même quand nous nous bouchons les oreilles, notre âme devient percluse ; quand nous cessons de participer à la nourriture spirituelle, quand certains vices attaquent notre tempérament à la manière d’humeurs corrompues, toutes ces causes engendrent la maladie funeste, une maladie qui produit la gangrène : désormais, le fer, le feu seront nécessaires, car le Christ ne consent pas à entrer dans la chambre nuptiale avec un corps pareil. Il a renvoyé, chassé celui qui était revêtu d’habits sordides, que ne fera-t-il pas a l’homme qui a souillé son corps ? Quel traitement ne lui infligera-t-il pas ?

Je vois beaucoup de personnes, qui participent étourdiment et sans réflexion au corps du Christ, plutôt par habitude et pour obéir à la loi, que par raison et par réflexion. Voient-elles arriver le temps du saint Carême ou celui de l’Épiphanie, en quelque état qu’elles se trouvent, elles prennent part aux sacrements. Cependant ce n’est pas l’époque de l’année qui fait, en cela, l’opportunité ; car ni l’Épiphanie, ni le Carême ne rendent digne d’approcher des sacrements, mais seulement la pureté parfaite de l’âme. Quand vous l’avez, approchez-en toujours ; jamais, quand elle vous manque. Car il est écrit : « Toutes les fois que vous faites cela, vous annoncez la mort du Seigneur » (1Co. 11,26) ; c’est-à-dire, vous faites une commémoration de votre salut, ale mon bienfait. Songez à la prudence dont usaient ceux qui prenaient part à l’ancien sacrifice. Que ne faisaient-ils pas ? Ils ne manquaient jamais de se purifier. Mais vous, pour approcher du sacrifice devant lequel tremblent les anges mêmes, vous obéissez au cours du temps ? Et comment vous présenterez-vous au tribunal du Christ, vous qui avec des mains et des lèvres souillées, osez profaner son corps ? Vous n’oseriez pas embrasser un roi, si vous aviez la bouche puante ; et vous osez embrasser le roi du ciel avec une âme puante ! Quel excès d’insolence !

Dites-moi : Voudriez-vous approcher du sacrifice avec des mains sales ? Je ne le pense pas : vous aimeriez mieux vous abstenir que d’en approcher en cet état. Eh bien ! vous qui êtes circonspect à ce point dans les petites choses, vous en approchez, vous osez y toucher avec une âme souillée ? Cependant la victime ne séjourne qu’un moment entre vos mains, et elle se résout tout entière dans votre âme. Voyez-vous ces vases si bien lavés, si brillants ? eh bien ! il faut que nos âmes soient encore plus pures, encore plus immaculées et plus brillantes. Pourquoi ? Parce que c’est en vue de nous qu’on nettoie ainsi ces vases. Ils ne participent pas, eux, à leur contenu, ils ne le sentent pas ; nous, c’est autre chose. Or, vous ne voudriez pas vous servir d’un vase malpropre, et vous apportez vous-même une âme malpropre : je vois là une singulière disparate. Aux autres époques, même quand vous êtes purs, vous n’approchez pas des sacrements, et à Pâques, fussiez-vous chargés d’un crime, vous vous en approchez ? O habitude ! ô préjugé ! en vain le sacrifice est quotidien, en vain nous nous tenons auprès de l’autel, personne ne prend place au banquet. Si je parle ainsi, ce n’est pas pour que vous communiiez à la légère, mais pour que vous vous mettiez en état. Vous n’êtes pas digne du sacrifice de la communion ? Alors vous n’êtes pas digne non plus de la prière. Vous entendez le héraut qui se tient debout et dit : « Vous tous, qui êtes en pénitence, retirez-vous ». Tous ceux qui ne communient pas sont en pénitence. Si vous êtes au nombre de ceux qui sont en pénitence, vous ne devez pas communier : car celui qui ne communie pas est au nombre de ceux qui sont en pénitence. Pourquoi donc dit-il : « Retirez-vous, vous qui ne pouvez pas prier », et vous, restez-vous effrontément en place ? Mais vous n’êtes pas de ce nombre ; vous êtes de ceux qui peuvent communier, et vous ne vous en inquiétez pas ? Vous regardez cela comme rien ?

5. Songez-y, je vous en prie ; voilà un banquet