Aller au contenu

Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/463

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

royal : les anges le desservent, le monarque même y assiste, et vous restez là bouche béante ? Vos vêtements sont souillés, et vous ne vous en inquiétez pas ? — Mais non : ils sont propres ? Mettez-vous donc à table, et communiez. Il vient chaque jour visiter les convives, il parle à tous ; il dira donc à votre conscience : Amis, comment êtes-vous ici sans habit de noce ? Il ne dit pas : Pourquoi avez-vous pris place à la table ? C’est avant l’installation, avant l’entrée qu’il déclare qu’on est indigne. En effet, il ne dit pas : Pourquoi avez-vous pris place ? mais bien : Pourquoi êtes-vous entré ? Voilà ce qu’il dit maintenant même à nous tous qui nous tenons ici debout, sans pudeur et sans honte. En effet, quiconque ne participe pas aux sacrements, celui-là est un impudent, un effronté. Voilà, pourquoi on commence par exclure ceux qui sont en état de péché. Ainsi que, lorsque le maître prend place à table, il ne faut pas que les serviteurs qui l’ont offensé soient présents, et que l’on a soin de les écarter : de même ici, quand on offre le sacrifice, et que la victime est le Christ, l’Agneau du Seigneur, en entendant ces mots : « Prions tous en commun », en voyant les vestibules s’ouvrir, vous devez croire que le ciel s’ouvre, et que les anges descendent de là-haut. Si donc aucune des personnes étrangères à nos mystères ne doit rester dans l’assistance, il en est de même des initiés qui sont souillés.

Dites-moi : supposez qu’une personne invitée à un festin se lave les mains, s’attable, soit toute prête à goûter aux mets, et que néanmoins elle n’y touche pas, ne sera-ce pas faire injure à celui qui l’a invitée ? ne vaudrait-il pas mieux n’être pas venu ? De même pour vous : vous êtes présent, vous avez chanté l’hymne : vous vous êtes mis au nombre de ceux qui sont dignes en ne vous retirant pas avec les indignes ; comment êtes-vous resté, si vous ne prenez point part au banquet ? Je suis indigne, dites-vous… Vous êtes donc indigne aussi de la communion des prières. En effet, ce n’est pas seulement le sacrifice, ce sont encore les cantiques qui font descendre de toutes parts le Saint-Esprit. Ne voyez-vous pas que nos serviteurs lavent la table avec une éponge, et nettoient la maison avant de mettre la table ? Cela se fait par les prières, par la voix du diacre. Nous lavons l’église comme avec une éponge, afin qu’elle soit pure pour l’offrande, qu’il n’y ait ni tache ni souillure… Les yeux mêmes des indignes, leurs oreilles sont ici de trop. « Si une bête touche la montagne, elle sera lapidée ». (Exo. 19,13) Ainsi les Juifs n’étaient pas même dignes de monter sur la montagne : du reste, ils s’approuvèrent ensuite, et virent la place où avait été Dieu. Eh bien ! quand tout sera fini, vous pourrez vous approcher et regarder : mais tant que Dieu est là, retirez-vous : cela ne vous est pas plus permis qu’au catéchumène. Car il n’y a pas égalité entre celui qui n’a jamais touché aux sacrements, et celui qui, après les avoir reçus, les brave par des offenses, et se rend indigne de son privilège. Je pourrais ajouter d’autres considérations encore plus effrayantes : mais de crainte de charger votre mémoire, j’en reste là : ceux qui ne seront point corrigés par ce que j’ai dit, ne le seraient point par de plus longs développements. Si donc nous ne voulons pas rendre notre jugement plus rigoureux, je vous supplie, non de vous présenter, mais de vous rendre dignes du lieu où vous êtes et du sacrement.

Dites-moi : si un roi vous donnait cet ordre impérieux : Si quelqu’un fait telle chose, qu’il ne paraisse pas à ma table ; est-ce que vous ne feriez pas tous vos efforts pour être admis ? Eh bien ! nous sommes conviés au ciel, à la table du grand, du sublime monarque, et nous hésitons, et nous tergiversons, et nous ne nous hâtons point d’accourir ? Et quel espoir de salut nous reste-t-il ? Nous ne pouvons alléguer notre faiblesse, nous ne pouvons mettre en cause la nature : la négligence, voilà le seul principe de notre indignité. Nous avons dit ce que nous avions à vous dire. Que celui qui produit la componction dans les cœurs, qui donne l’esprit de componction, produise un pareil effet dans vos âmes et y enfouisse profondément sa semence, afin que vous conceviez de sa crainte, que vous enfantiez un esprit de salut, et que vous approchiez avec confiance. « Tes fils », est-il écrit, « sont comme de jeunes pousses d’olivier autour de ta table ». (Psa. 127,3) Ainsi donc, point de vieilles pensées ; rien de farouche, d’aigre, de sauvage. Car telles sont les jeunes pousses propres à donner du fruit, ce fruit merveilleux de l’olivier ; assez fortes pour que tous soient autour de la table, et ne se réunissent pas ici étourdiment ni à la légère, mais avec crainte et tremblement. Ainsi vous verrez là-haut le