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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/470

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« C’est pourquoi, souvenez-vous », dit-il. C’est notre coutume à tous, lorsque nous avons été relevés d’un abaissement profond, ou promus encore plus haut, de perdre jusqu’au souvenir de notre état précédent, à mesure que nous nous habituons à notre gloire présente. De là ces mots : « C’est pourquoi souvenez-vous ». — « C’est pourquoi », entendez puisque nous avons été créés pour les bonnes œuvres. Il n’en faut pas davantage pour nous persuader de pratiquer la vertu. « Souvenez-vous ». C’est assez de ce souvenir pour nous inspirer de la reconnaissance à l’égard de notre bienfaiteur. « Qu’autrefois vous, gentils ». Voyez comment il rabaisse les avantages des Juifs, et relève les gentils de leur infériorité, laquelle n’était qu’apparente : c’est sur la conduite et les mœurs qu’il s’appuie pour convaincre les uns et les autres. « Vous étiez appelés incirconcision ». Le privilège était nominal, la supériorité charnelle : incirconcision, circoncision, peu importe. « À cause de la circoncision faite de main d’homme dans la chair ; parce que vous étiez dans ce temps-là sans Christ, séparés de la société d’Israël, étrangers aux alliances de la promesse, n’ayant pas d’espérance, et sans Dieu en ce monde ».

C’est vous, dit-il, que les Juifs appellent ainsi. Mais pourquoi donc, voulant montrer le bienfait par lequel ils ont été réunis à Israël, au lieu de rabaisser la dignité d’Israël, l’exalte-t-il au contraire en cela ? Il l’exalte là où il est nécessaire, mais il la rabaisse dans les choses qui ne devinrent pas communes aux gentils. Car il dit plus loin : « Vous êtes concitoyens des saints, et de la maison de Dieu (19) ». — Considérez comment il ne la rabaisse pas là. Mais ici il dit : Ces choses sont indifférentes. Ne croyez pas qu’il y ait une différence, parce que vous n’avez pas reçu la circoncision. Ce qui était dur, c’était d’être sans Christ, d’être séparés de la société d’Israël (et cette séparation ne provenait point de l’incirconcision) ; c’était d’être étrangers aux alliances de la promesse, de ne pas avoir l’espérance, d’être sans Dieu en ce monde : ces avantages étaient particuliers au peuple juif.

Il a parlé des choses du ciel : il parle aussi de celles de la terre, qui étaient un grand sujet de gloire pour les Juifs. De même le Christ, consolant ses disciples, après leur avoir dit : « Bienheureux ceux qui ont été persécutés à cause de la justice, parce que le royaume des cieux leur appartient », ajoute cette considération d’un ordre inférieur : car c’est ainsi « qu’ils ont persécuté les prophètes qui ont existé avant vous ». (Mat. 5,10, 12) À ne considérer que l’élévation, c’est moins important : mais si l’on regarde à la proximité de l’exemple et à la conviction, cet argument paraît fort, persuasif et puissant. On sait donc ce qu’il faut entendre ici par « Société ». Paul ne dit pas : En dehors, mais : « Séparés de la société » ; il ne dit pas : Indifférents, mais : Non participants, « Étrangers ». Les expressions sont très fortes : elles indiquent une séparation complète. En effet, il y avait même des Israélites en dehors de la société d’Israël, mais à cause de leur négligence, comme exclus de l’alliance et non comme étrangers. Qu’étaient-ce maintenant que les alliances de la promesse ? On se rappelle la promesse divine. — « Je te donnerai cette terre à toi et à ta race », et le reste. « N’ayant pas l’espérance, et sans Dieu ». Ils adoraient bien des dieux, mais c’étaient des dieux sans réalité : une idole n’est rien.

« Mais maintenant que vous êtes dans le Christ Jésus, vous qui étiez autrefois éloignés, vous avez été rapprochés par le sang de ce même Christ. Car c’est lui qui est notre paix, lui qui a des deux choses en a fait une seule détruisant dans sa chair le mur de séparation, leurs inimitiés (13,14) ». Voilà donc cette grande chose, dira-t-on ? C’est notre entrée dans la société des Juifs ? Que dis-tu ? Tout ce qui est au ciel et sur la terre a été restauré et tu viens maintenant nous parler des Israélites ? Oui, dit Paul, car les premières choses ont besoin de la foi pour être admises ; celles-ci se voient par les « faits eux-mêmes. Mais maintenant que vous êtes en Jésus-Christ, vous qui étiez autrefois éloignés, vous avez été rapprochés de la société ». — « Éloignés, rapprochés » : c’est le fait du seul libre arbitre. « Car c’est lui qui est notre paix, lui qui des deux choses en a fait une seule ».

2. Qu’est-ce à dire : « Des deux choses une seule ? » Il ne veut pas dire qu’il nous ait conféré la même noblesse, mais bien qu’il nous a promus avec ceux qui en étaient revêtus déjà, à une noblesse plus haute… D’ailleurs, le bienfait a été plus grand en ce qui nous touche. Les Juifs avaient reçu des promesses, ils étaient tout près : nous, rien ne nous avait été promis, et nous étions plus éloignés. C’est pourquoi il