Aller au contenu

Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/472

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

troisième état ? Si Jésus a aboli la loi, ce n’a pas été pour rendre le païen Juif, mais pour créer de tous deux le nouvel homme. Et c’est justement que partout il emploie cette expression : « Créer », il ne dit pas transformer, afin de montrer la puissance déployée dans cette opération, et que, si la création est une chose visible, cette autre création n’est pas moindre pour cela, et que nous ne devons pas plus nous y dérober qu’aux sujétions de la nature. « Pour former en lui-même », c’est-à-dire par lui-même. — Il n’a pas confié ce soin à un autre : c’est lui-même qui ayant fondu ensemble, de lui-même, ces deux métaux, a mis au jour un nouveau métal miraculeux, auquel il avait commencé par s’identifier lui-même. Voilà ce que signifie : « En lui-même » ; c’est que lui-même, tout le premier, avait fourni le type et le modèle. D’un côté ayant pris le Juif, de l’autre le païen, et s’étant placé entre eux, il les a mêlés, en effaçant tout ce qui les distinguait, et les a refondus d’en haut, au moyen du feu et de l’eau, non plus de l’eau et de la terre, mais de l’eau et du feu. Il est devenu Juif circoncis, il est devenu anathème, il est devenu païen infidèle, et quelque chose de plus que les païens et les Juifs.

« Dans un seul homme nouveau ». — « En faisant la paix », en les mettant en paix avec Dieu et les uns avec les autres. S’ils étaient restés Juifs et païens, ils ne se seraient pas réconciliés ; et si chacun d’eux n’avait pas dépouillé son état propre, comment auraient-ils passé à un état supérieur ? Le Juif ne s’unit au païen que du moment où il devient fidèle. Supposez en bas, deux appartements séparés, et en haut un seul grand et admirable ; les habitants des deux premiers ne commenceront à se voir, qu’une fois réunis dans le troisième. « Faisant la paix », surtout à l’égard de Dieu ; c’est ce qui résulte de la suite. Que dit-il, en effet ? « Et pour réconcilier à Dieu par la croix, les deux réunis en un seul corps (16) ».

Il ne dit pas concilier, mais « Réconcilier », pour montrer qu’auparavant la nature humaine se prêtait facilement à la conciliation, comme au temps des saints et avant la loi. « En un seul corps » (le sien) « à Dieu ». Comment ? En subissant lui-même sur la croix le châtiment encouru. « Tuant en lui-même l’inimitié ». Rien de plus juste ni de plus solennel que ces expressions. Sa mort, veut dire Paul, a tué, meurtri, exterminé la haine ; cette mort qu’il n’a pas prescrite à un autre, dont il n’a pas été seulement l’auteur, mais encore la victime. Il ne dit pas : « Détruisant », ni « Supprimant », mais, ce qui est plus fort que tout : « Tuant », de sorte qu’elle ne pût se relever. Qu’est-ce donc qui la ressuscite ? L’excès de notre perversité. Tant que nous restons dans le corps du Christ, tant que nous demeurons unis, elle ne ressuscite pas, elle reste morte ; ou plutôt, celle-là ne ressuscite jamais. Mais si nous en enfantons une autre, ce n’est plus la faute de celui qui a tué et anéanti la première ; c’est vous qui donnez le jour à une autre haine. Car la pensée de la chair est inimitié contre Dieu. Si nous n’avons point de pensées charnelles, il n’y aura pas de nouvelle haine engendrée, et la paix subsistera.

4. Songez combien il est affreux, quand Dieu a fait tant de choses pour procurer notre réconciliation, et qu’il l’a opérée, de revenir à l’inimitié. Cette inimitié-là, ce n’est plus le baptême, mais l’enfer qui l’attend, ce n’est plus la rémission, mais le jugement. Pensée de la chair, délice, mollesse ; pensée de la chair, convoitise et tous les péchés. Pourquoi cette expression : Pensée de la chair ? Cependant sans l’âme la chair ne peut rien. Paul ne dit pas cela pour accuser la chair ; de même quand il dit : « L’homme animal », il ne parle pas ainsi pour accuser l’âme, il veut faire entendre que l’âme pas plus que le corps ne sont suffisants par eux-mêmes, en l’absence de la grâce d’en haut, à rien faire de grand ni de généreux. Voilà pourquoi il appelle animales les choses que l’âme produit par elle-même ; et charnels, les actes du corps livré à lui-même ; non parce que ces actes sont naturels, mais parce que, faute de l’appui divin, ils se pervertissent. C’est une excellente chose que les yeux ; mais, en l’absence de la lumière, ils causent des maux innombrables : il n’en faut accuser que leur faiblesse, et non la nature. Si ces maux provenaient de la nature, jamais les yeux ne nous seraient bons à rien. Il n’y a pas de maux naturels. Qu’est-ce donc que les pensées charnelles ? Les péchés. Quand la chair prend le dessus sur celui qui la mène, elle engendre des maux innombrables. Car le mérite de la chair, c’est de rester soumise à l’âme ; son vice, c’est de dominer l’âme. Un cheval beau et agile ne peut déployer ses qualités sans un écuyer ; de même la chair n’est bonne que lorsque nous savons réprimer ses