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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/473

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élans désordonnés. — Mais un écuyer ne saurait pas davantage se signaler si l’art lui fait défaut ; dans ce cas il est plus nuisible qu’utile. De toute manière donc, il faut veiller. L’esprit, ce principe vigilant, rend l’écuyer plus vigoureux : il embellit et le corps et l’âme. De même que l’âme embellit le corps qu’elle anime, et ne peut le déserter, lui retirer son action intérieure, sans le rendre repoussant, à la manière d’un peintre qui confondrait toutes les couleurs ; car alors chaque partie tombe promptement en dissolution et en pourriture : de même quand l’esprit a abandonné à eux-mêmes le corps et l’âme, ils font voir une laideur encore plus affreuse.

Ne vous déchaînez donc point contre le corps comme inférieur à l’âme. Et je ne veux pas non plus accuser l’âme en tant qu’impuissante sans le concours de l’esprit. Mais s’il faut le dire, l’âme mérite plus de sévérité. En effet, le corps est incapable sans l’âme, de faire aucun mal ; l’âme au contraire, en fait beaucoup sans le concours du corps ; elle en fait encore beaucoup dans un corps paralysé et réduit à l’immobilité, par exemple, par les sortilèges des magiciens, des envieux, des sorciers. D’ailleurs, les débauches du corps ne proviennent point des nécessités auxquelles il est soumis, mais de la négligence de l’âme le corps exige de la nourriture, et non des excès. Au moyen d’un frein solide, je peux arrêter la course d’un cheval ; mais le corps ne saurait réprimer l’âme dans ses écarts. Pourquoi donc parler des pensées de la chair ? Parce qu’alors la chair devient responsable. Elle pèche, quand elle prend le dessus, quand elle dépouille l’esprit, et ôte à l’âme le gouvernement. Le mérite du corps consiste donc à céder à l’âme ; car par lui-même il n’est ni bon ni mauvais. Que pourrait faire le corps livré à lui-même ? C’est donc par son union, par sa soumission que le corps est bon : par lui-même il n’est ni bon ni mauvais ; mais il est capable de se porter au bien ou au mal. Le corps a des appétits, mais ce n’est pas de fornication ni d’adultère, c’est de commerce sexuel : le corps a des appétits, non de débauche, mais de nourriture ; non d’ivresse, mais de boisson. Comment le corps n’aspire point à l’ivresse, vous allez vous en convaincre : dès que vous dépassez la mesure et ses forces, il cesse de résister. Tout le reste est le fait de l’âme, par exemple, lorsqu’elle se plonge dans les plaisirs charnels, lorsqu’elle s’appesantit. En effet, si le corps est beau, l’âme est plus belle encore… Or, ainsi que l’or est plus précieux que le plomb, et néanmoins exige du plomb pour la soudure ; de même l’âme a besoin du corps : ou si l’on veut, comme un enfant de bonne famille a besoin d’un gouverneur. Et ne vous étonnez pas des exemples que je cite. Quand nous parlons de choses puériles, ce n’est pas l’âge que nous blâmons, mais les choses qui en ont le caractère : de même pour le corps. Mais il est possible de quitter la chair, si nous le voulons, comme aussi la terre, pour les cieux et pour l’Esprit. Car être quelque part, cela s’entend moins du lieu que de la disposition d’âme. Souvent nous disons de personnes présentes en un lieu : Vous n’y étiez pas. Que dis-je ? Souvent nous disons : Vous n’êtes pas en vous-même, je ne suis pas en moi-même ; et cependant quoi de plus sensible que cette présence en soi-même ? Néanmoins nous employons ce terme : soyons donc en nous-mêmes, dans les cieux, dans l’Esprit. Restons dans la paix et dans la grâce de Dieu, afin que, débarrassés de toutes les choses charnelles, nous puissions obtenir les biens promis en Jésus-Christ Notre-Seigneur, avec qui gloire, puissance, honneur, au Père et au Saint-Esprit, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.