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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/487

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et ils ne pourraient ouvrir un cachot ? Ils ont délié ceux qui étaient au pouvoir des démons, et les fers auraient eu raison d’eux-mêmes ? Tu ne les connaissais pas : voilà ton excuse. Ce prisonnier, c’est Paul, que tous les anges ont en vénération ; c’est Paul, dont les suaires et les tabliers ont mis les démons en fuite, chassé les maladies ; et pourtant les chaînes du démon sont bien plus dures et bien plus difficiles à briser que le fer, car elles enchaînent l’âme, tandis que le fer ne lie que le corps. Comment donc celui qui délie les âmes, n’aurait-il pas eu la force de délier son corps ? Comment celui qui brise les liens des démons, n’aurait-il pas brisé des attaches de fer ? Comment celui dont les vêtements, d’eux-mêmes, délivrent les captifs que j’ai dit, et éloigne d’eux les démons, comment ne se serait-il pas mis lui-même en liberté ? S’il a été enchaîné, pour remettre ensuite les captifs en liberté, c’est pour que tu voies combien les serviteurs du Christ, dans les fers, ont plus de force que des hommes en liberté. S’il avait fait la même chose étant en liberté, la merveille serait moins grande : de sorte que ses chaînes témoignent non de sa faiblesse, mais de son pouvoir. En effet, rien n’est plus propre à faire éclater la puissance du saint, que de le voir triompher, dans les fers, de ceux qui n’en portent pas, que de le voir, dans les fers, délivrer en même temps que lui-même ses compagnons de captivité. À quoi bon ces murailles ? à quoi bon l’avoir précipité dans la partie la plus reculée de la prison, puisqu’il a su ouvrir jusqu’à la partie extérieure ? Mais pourquoi ce miracle s’opéra-t-il de nuit, et fut-il accompagné d’un tremblement de terre ? Pardonnez-moi si je m’écarte un peu des paroles des apôtres pour m’arrêter avec complaisance sur leurs actions ; laissez-moi m’enivrer de cette captivité de Paul, et souffrez que j’en parle encore. J’ai saisi la chaîne, personne ne me l’arrachera ; me voilà mieux retenu par l’amour que Paul lui-même par ses entraves. Cette chaîne-ci, personne ne la brise : car elle vient de l’amour du Christ ; ni les anges, ni le royaume des cieux ne sauraient la rompre écoutez plutôt ce que dit Paul lui-même : « Ni les anges ni les principautés, ni les choses présentes ni les choses futures, ni la hauteur ni la profondeur, rien ne pourra nous séparer de l’amour de Jésus-Christ ». (Rom. 8,39)

Pourquoi donc ce miracle advint-il au milieu de la nuit ? et pourquoi ce tremblement de terre ? Écoutez le dessein de Dieu, et reste confondus. Les chaînes de tous furent brisées, et les portes s’ouvrirent. Mais ce prodige arriva uniquement à cause du geôlier, non pour l’éblouir, mais pour le sauver. La preuve que les prisonniers ignoraient leur délivrance, elle résulte des paroles de Paul. En effet, il cria à haute voix : « Ne te fais aucun mal, car nous sommes tous ici ». (Act. 16,28) Ils n’auraient pas été tous là, s’ils avaient vu les portes ouvertes, et leurs chaînes à leurs pieds. Des hommes habitués à percer les cloisons, à monter sur les toits et les corniches, et prêts à tout tenter en dépit de leurs chaînes, une fois leurs chaînes tombées et tes portes ouvertes ; n’auraient pu se résigner à rester dans la prison, surtout lorsque le geôlier était lui-même endormi. Mais s’ils n’étaient plus retenus par des chaînes de fer, ils l’étaient par celles du sommeil… Les choses avaient été ainsi disposées afin que le miracle pût avoir lieu sans causer aucun préjudice au gardien qui devait être sauvé ; sans compter que les prisonniers sont attachés la nuit avec un soin particulier. On peut donc les voir de nouveau très solidement enchaînés et dormant. Si cela était arrivé de jour, le désordre eût été grand. Mais pourquoi donc la maison fut-elle ébranlée ? Afin que le geôlier se réveillât pour voir ce qui se passait car il méritait seul d’être sauvé.

4. Veuillez considérer maintenant l’infinie bonté du Christ. Car il ne faut pas que la captivité de Paul nous fasse oublier la grâce du Sauveur ; ou plutôt n’en est-elle pas, elle-même, une preuve. Quelques-uns trouvent mauvais que le geôlier ait été sauvé, et au lieu d’un sujet d’admirer la bonté divine, ne voient là qu’une occasion de critiques : il ne faut pas s’en étonner. Telle est l’humeur des faibles : ils s’en prennent à l’aliment même dont ils se nourrissent, au lieu de leTexte complet non-formaté vanter, et proclament que le miel est amer. Les aveugles ne reçoivent que ténèbres du foyer qui devrait les éclairer : ce n’est point la faute de la nature, mais celle de leurs organes incapables d’user des choses comme il faudrait. Que disais-je donc ? Au lieu d’admirer que Dieu ait relevé et rendu meilleur un homme tombé dans un abîme de méchanceté, ils disent : Et comment ne vit-il pas là une supercherie, un sortilège ? Comment, plutôt, ne resserra-t-il