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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/486

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ils le traînaient hors de la ville, croyant qu’il était mort ». (Act. 16)

Voulez-vous savoir ce que c’est que de porter des fers pour Jésus-Christ ? Écoutez le Sauveur lui-même : « Vous êtes heureux », dit-il. Et en quoi, Seigneur, sommes-nous heureux ? Serait-ce de rappeler les morts à la vie ? Non. Serait-ce de rendre la vue aux aveugles ? Non. En quoi donc sommes-nous heureux ? « Quand les hommes vous persécutent, qu’ils vous chargent d’outrages, qu’ils vous calomnient à cause de moi ». Eh bien ! si des invectives suffisent pour nous rendre si heureux, que sera-ce des mauvais traitements ? Écoutez le même saint, qui nous dit ailleurs : « Désormais la couronne de justice m’attend ». (2Ti. 4,8) Mais cette couronne ne brille pas autant que ces fers. Dieu me jugera digne de cette récompense, dit-il, et je m’inquiète peu du reste. Pour toute rétribution, il me suffit d’avoir souffert pour le Christ. Qu’il me donne le droit de dire : « Je consomme ce qui manque aux « tribulations du Christ dans ma chair ». (Col. 1,24) C’est tout ce que je demande… Pierre aussi fut jugé digne de porter ces chaînes : il était enchaîné, est-il écrit, livré aux soldats, et il dormait. Il était si content, si peu chagrin, qu’il dormait. Il ne serait pas tombé dans un profond sommeil, s’il avait été en proie aux inquiétudes. Il dormait, bien qu’environné de soldats : un ange vint vers lui, et lui frappant le flanc, l’éveilla. Si maintenant l’on venait me dire : Lequel voudriez-vous être, de l’ange qui éveilla Pierre, ou de Pierre qu’il fit échapper ? J’aimerais mieux être Pierre, en faveur de qui l’ange descendit… Puissé-je jouir de pareilles chaînes ! Et pourquoi donc, dira-t-on, Pierre prie-t-il alors, comme un homme échappé à un grand malheur ? Ne vous en étonnez point : il prie, parce qu’il craint la mort ; et s’il craignait la mort, c’est parce qu’il espérait trouver dans la vie de nouvelles occasions de souffrance. Écoutez du moins ce que dit encore le bienheureux Paul lui-même : « Partir et être avec le Christ, cela est bien préférable ; mais rester dans la chair est plus nécessaire à cause de vous ». (Phi. 1,23-24) Il appelle même cela une grâce dans ce passage « Le Christ vous a fait la grâce, non seulement de croire en lui, mais encore de souffrir pour lui ». Ceci est donc préférable à cela, comme venant de la grâce. Oui, c’est une grâce que de souffrir pour Jésus-Christ, une grâce plus haute que d’arrêter le soleil et la lune, de remuer le monde. Je la préfère au pouvoir de vaincre et de chasser les démons. Ceux-ci sont moins vexés quand notre foi les chasse, que lorsqu’ils nous voient enchaînés pour Jésus-Christ. Ce qui fait le bonheur d’être enchaîné pour Jésus-Christ, c’est moins l’espérance de régner un jour avec lui que la pensée de souffrir pour lui.

3. Je proclame les chaînes heureuses, non parce qu’elles ouvrent le ciel, mais parce qu’elles sont portées pour le Maître élu ciel. Quel plaisir, quel honneur, quelle gloire de se dire qu’on est prisonnier pour Jésus-Christ ! Ce sont là des choses dont je voudrais sans cesse parler. Je voudrais tenir cette chaîne, y être attaché, et, privé en réalité de cet avantage, je veux que du moins ; par la pensée, par le désir, mon âme en soit enlacée. « Le cachot fut ébranlé », est-il écrit, « quand Paul était enchaîné, et les chaînes de tous tombèrent ». (Act. 16,26) Voyez-vous ces chaînes qui font tomber d’autres chaînes ? Car, ainsi que la mort du Seigneur tua la mort, ainsi les chaînes de Paul délivrèrent ceux qui étaient enchaînés, ébranlèrent la prison, en ouvrirent les portes : et cependant le propre des chaînes est de produire un effet tout contraire, de tenir-le prisonnier solidement attaché, et non de lui ouvrir un passage dans les murailles. Mais si la nature des chaînés n’est point telle en soi, telle est celle des chaînes portées pour le Christ. Le geôlier tomba aux pieds de Paul et de Silas. Ce n’est pas non plus un effet propre à toutes les chaînes, que de faire tomber aux pieds des prisonniers les auteurs de leur captivité, ruais tout au contraire de mettre les premiers à la disposition des seconds. Ici, c’est l’homme en liberté qui tombe aux pieds du captif ; c’est celui qui avait rivé les fers, qui conjure le prisonnier de calmer son épouvante. N’est-ce donc pas toi, dis-moi, qui as formé ces nœuds ? n’est-ce pas toi qui as jeté ces hommes au fond de ce cachot ? qui as serré leurs pieds dans des entraves ? D’où te vient ce tremblement ? ce trouble, ces larmes ? Pourquoi tirer ton glaive ? Jamais je n’ai enchaîné rien de pareil, répond-il : je ne savais pas quel était le pouvoir des prisonniers du Christ. Que dis-tu ? Ils ont reçu la permission d’ouvrir les cieux,