Aller au contenu

Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/490

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

prodige : « Un ange du Seigneur se présenta et une lumière brilla dans la prison ; alors l’ange, frappant Pierre au côté, le réveilla, disant : Lève-toi promptement. Et les chaînes tombèrent de ses mains ». (Act. 12) Afin que Pierre ne croie pas n’avoir devant lui qu’une lueur, il le réveille. Personne ne voyait la lumière, excepté lui, et il croyait à une vision : ceux qui dorment ne s’aperçoivent pas des bienfaits de Dieu. « Alors l’ange lui dit : Ceins-toi, et mets ta chaussure à tes pieds. Et il fit ainsi. Et l’ange dit : Prends ton vêtement autour de toi, et suis-moi. Et sortant, il le suivait, et il ne savait pas que ce qui se faisait par l’ange fût véritable, car il croyait avoir une vision. Or, ayant passé la première et la seconde garde, ils vinrent à la porte de fer qui mène à la ville ; elle s’ouvrit d’elle-même à eux. Et sortant, ils s’avancèrent dans la rue ; et aussitôt l’ange le quitta ».

6. Pourquoi les choses ne se passèrent-elles pas ici comme pour Paul et Silas ? Parce qu’on devait relâcher ceux-ci ; voilà pourquoi Dieu ne voulut pas qu’ils fussent délivrés de leurs chaînes. Saint Pierre, au contraire, devait être conduit au supplice. Mais quoi, dira-t-on, n’aurait-il pas été plus merveilleux qu’il fût traîné au supplice, remis entre les mains du roi, et alors seulement arraché sain et sauf du milieu des périls ? de cette façon les soldats aussi auraient échappé à la mort. C’est soulever une grande question. On dit que Dieu, pour sauver son serviteur, a frappé, exterminé d’autres personnes. Que répondre à cela ? D’abord, que Dieu n’a frappé personne ; et en second lieu, que si ces gens périrent, leur mort n’est imputable qu’à la barbarie de leur juge et non au plan de la Providence. Comment cela ? Dieu avait arrangé les choses de telle sorte qu’Hérode, loin de perdre autrui, fût sauvé lui-même, comme le geôlier de Paul : mais il ne sut pas profiter de ce bienfait. « Quand il fit jour, est-il écrit, il n’y eut pas peu de trouble parmi les soldats, au sujet de ce que Pierre était devenu ». Après ? Hérode fait une enquête, interroge les gardiens, les fait conduire au supplice. On pourrait l’excuser, s’il ne les avait point interrogés. Mais il les avait mandés, questionnés ; il avait appris que Pierre était enchaîné, que la prison était bien fermée, que les gardes veillaient aux portes : il n’y avait ni cloison percée, ni porte ouverte, ni aucun autre indice de fraude.

Hérode, alors, aurait dû admirer la puissance de Dieu qui avait su arracher Pierre, du milieu des périls, et adorer ce Dieu puissant ; loin de là, il fit emmener les soldats au supplice. Comment donc Dieu serait-il responsable en ceci ? S’il avait fait percer une cloison, et qu’il eût sauvé Pierre par cette voie, l’évasion aurait pu être imputée à la négligence des soldats : mais s’il avait tout disposé pour qu’il fût démontré que la ruse humaine n’était pour rien dans l’affaire, et que la puissance divine avait seule opéré le prodige, pourquoi Hérode agit-il de la sorte ? Si Pierre avait voulu fuir, il se serait enfui avec ses chaînes ; s’il avait dû fuir tout alarmé, il n’aurait pas eu la présence d’esprit de prendre ses sandales. Si l’ange lui dit : Chausse tes sandales, c’est afin que l’on vît bien qu’il était parti non en fugitif, mais tout à son aise. Enchaîné entre deux soldats, il n’aurait pas eu le temps de rompre ses chaînes, et cela, quand il était dans l’endroit le plus retiré du cachot. C’est donc à l’iniquité du juge qu’il faut imputer le supplice des gardes. Sinon, pourquoi les Juifs ont-ils agi autrement ? En effet cette captivité m’en rappelle encore une autre : la première avait Rome pour théâtre, la seconde Césarée, celle-ci Jérusalem. Les princes des prêtres et les pharisiens reçoivent de ceux qu’ils avaient envoyé chercher Pierre dans sa prison, la nouvelle suivante : Nous n’avons trouvé personne ; les portes étaient fermées pourtant, et les gardes en sentinelle devant les portes. Pourquoi ne firent-ils pas alors périr les gardes, au lieu de se demander les uns aux autres dans leur incertitude : Qu’est-ce que cela peut être ? Que si malgré la soif de sang qui les dévorait, ils n’imaginèrent rien de pareil, à plus forte raison devais-tu faire comme eux, toi qui ne songeais qu’à leur plaire. Aussi le châtiment d’Hérode ne se fit-il pas longtemps attendre.

Si vous accusez Dieu de ces exécutions, il faut l’accuser aussi des meurtres qui se commettent sur les routes, et de tant d’autres homicides, et de la mort des enfants tués à cause du Christ : car c’est, dites-vous, le Christ qui causa leur mort ; mais c’est bien plutôt la fureur et la tyrannie du père d’Hérode. Direz-vous : Pourquoi Dieu ne les a-t-il pas arrachés des mains d’Hérode ? Il pouvait