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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/491

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le faire. Mais cela n’eût servi de rien. Combien de fois le Christ n’est-il pas échappé des mains de ses ennemis ? Et quel profit en revint-il à ces ingrats ? Dans l’histoire qui nous occupe, le profit que les fidèles ont retiré des événements est manifeste : le récit qui en a été fait, le témoignage rendu par les ennemis eux-mêmes, ont rendu les faits avérés. Si dans l’autre histoire, ce qui ferma la bouche aux Juifs, ce fut de venir sur le théâtre des événements, et d’en reconnaître la vérité, il en était de même ici. Pourquoi le geôlier ne fit-il rien de pareil ? Cependant, ce qui était arrivé à Hérode n’était pas moins miraculeux. — Voir les portes ouvertes, n’était pas une chose plus merveilleuse que d’apprendre une évasion consommée, portes closes. Et même dans le premier cas on pouvait croire à une illusion : tandis qu’ici un récit exact ne laissait nulle place à un pareil soupçon. — En conséquence, si cet homme avait été aussi méchant qu’Hérode, il aurait égorgé Paul, comme Hérode, les soldats. Mais il était meilleur. Quant à ceux qui demandent pourquoi Dieu a permis le meurtre des petits enfants, leur répondre, ce serait nous engager dans un discours plus long que celui que nous nous proposions de vous tenir en commençant…

7. Nous venons de rendre grâces aux chaînes de Paul, de montrer combien nous leur sommes redevables : arrêtons ici ce discours, après vous avoir exhortés non seulement à ne pas gémir des épreuves que vous pouvez avoir à endurer pour le Christ, mais encore à vous en réjouir comme les apôtres, et à vous en glorifier, suivant le mot de Paul : « Je me glorifierai avec délices dans mes infirmités ». Voilà pourquoi il lui fut dit : « Ma grâce te suffit ». (2Co. 12,9) Paul se glorifie de ses fers, et vous êtes fiers, vous, de vos richesses. Les apôtres se réjouissaient d’avoir été jugés dignes de la flagellation, et vous, vous recherchez le repos, la mollesse ? Comment donc voulez-vous être récompensés comme eux, si vous suivez une voie tout opposée ? « Et maintenant, dit Paul, lié par l’Esprit, je m’en vais à Jérusalem, ignorant ce qui doit m’y arriver ; si ce n’est que, dans toutes les villes, l’Esprit-Saint m’atteste que des chaînes et des tribulations m’attendent à Jérusalem ». (Act. 20,22-23) Pourquoi donc y aller, si des chaînes et des tribulations t’attendent ? C’est justement pour cela que j’y vais, répond-il, afin d’être enchaîné pour le Christ, afin de mourir pour lui. Car je suis prêt, non seulement à porter des fers, mais encore à mourir pour le nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ.

Rien de plus fortuné qu’une âme pareille. Où trouve-t-elle sa gloire ? Dans les chaînes, les tribulations, les liens, les stigmates… « Je porte dans ma bouche les stigmates du Seigneur Jésus-Christ », dit-il, comme si c’était un glorieux trophée ; et encore : « À cause d’Israël, je suis enveloppé de cette chaîne » ; et ailleurs : « Dont j’exerce la légation dans les chaînes ». Qu’est-ce à dire ? tu ne rougis point ? Tu n’as pas peur de ce monde que tu traverses en prisonnier ? Tu ne crains pas que quelqu’un n’accuse ton Dieu de faiblesse ? que cela n’empêche quelqu’un de venir à lui ? Telles ne sont pas mes chaînes, répond-il elles brillent jusque dans les palais. « En sorte que mes liens sont devenus célèbres dans tout le prétoire ; et que plusieurs de nos frères dans le Seigneur, encouragés par mes liens, ont beaucoup plus osé annoncer sans crainte la parole de Dieu ». (Phi. 1, 13,14) Voyez-vous le pouvoir des liens, supérieur à celui des résurrections : ils m’ont vu enchaîné, et n’en sont que plus confiants. Car où il y a des liens, il se passe nécessairement quelque grande chose ; où il y a tribulation, il y a nécessairement salut, nécessairement repos, nécessairement œuvres de grande vertu. C’est quand le diable regimbe, qu’il est frappé ; c’est quand il enchaîne les serviteurs de Dieu, que la parole fait le plus de progrès. Et voyez comment partout la même chose arrive. Il est emprisonné, et dans sa prison, voilà ce qui l’occupe : « Dans mes fers », écrit-il. Il est emprisonné à Rome, et convertit beaucoup de personnes : car il n’était pas le seul qui eût confiance : beaucoup d’autres étaient en sécurité grâce à lui. Il est emprisonné à Jérusalem ; chargé de chaînes, il harangue le roi, l’épouvante, effraye son juge qui, dans sa terreur, dit-il, le mit en liberté, et ne rougit pas d’être instruit au sujet de l’avenir par celui qu’il avait enchaîné… Enchaîné sur un vaisseau, il empêche un naufrage et réprime une tempête. Chargé de chaînes, il est assailli par une bête dangereuse qui ne réussit pas à lui faire aucun mal. Il est lié à Rome, et, tout lié qu’il est, il harangue le peuple, il convertit