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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/497

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d’un autre genre ; ceux qui ne portent point celles des martyrs peuvent en porter d’autres. Écoutez ce que dit le Christ : « Liez ses mains et ses pieds ». (Mat. 22,13) Renonçons donc à faire l’expérience des premières chaînes, et souhaitons seulement d’être tout chargé de celles-ci. De là ces mots : « Moi, chargé de liens pour le Seigneur, je vous conjure de marcher d’une manière digne de la vocation à laquelle vous avez été appelés ». Et encore : « Nous avons pour chef le Christ » Car le Christ nous a ressuscités et fait asseoir avec lui dans les cieux, bien que nous fassions ses ennemis et lui ayons fait mille maux. – Grande et précieuse est cette vocation, non seulement à cause de notre bassesse antérieure, mais encore à cause du rang où elle nous élève, et de la manière dont elle a eu lieu.
Mais comment marcherons-nous d’une manière digne ? Si nous marchons « en toute humilité ». Celui qui marche ainsi, marche dignement : voilà le principe de toute vertu. Si tu es humble, et que tu songes à la manière dont a été, opéré ton salut, ce souvenir est pour toi une excitation à la vertu : tu ne songes plus à tirer vanité des chaînes, ni des choses mêmes que j’ai dites ; mais, instruit que tout vient de la grâce, tu sais rentrer en toi-même. Celui qui est humble, est capable de devenir un serviteur plein de reconnaissance et de gratitude… « Qu’as-tu, dit Paul, que tu n’aies reçu ? » Et écoutez-le dire encore : « Plus qu’eux tous, j’ai travaillé, non pas moi, toutefois, mais la grâce de Dieu qui est avec moi ». (1Co. 4,7 ; 15, 10) « Avec toute humilité », non pas seulement en paroles, ni en actions seulement, mais tout à la fois dans les démarches et dans : les discours ; et pas davantage, humble vis-à-vis de l’un, confiant avec l’autre : sois humble avec tous, amis ou ennemis, petits ou grands : voilà l’humilité. Jusque dans les bonnes œuvres, sois humble ; n’est-ce pas le Christ qui nous dit : « Bienheureux les pauvres d’esprit » (Mat. 5,3), et met cela en première ligne ? Voilà pourquoi Paul écrit : « Avec toute humilité, toute mansuétude, toute patience ».. En effet, on peut être humble, et tout ensemble, prompt ou emporté ; alors c’est en vain car souvent la colère nous fait tout perdre. « Nous supportant, les uns les autres en charité ». Et comment supporter autrui, si l’on est emporté et prompt à l’injure ? De quelle façon maintenant ? « En charité », ajoute Paul. Si vous ne supportez pas le prochain, comment Dieu vous supportera-t-il ? Si vous ne savez pas supporter votre compagnon de servitude, comment le Maître pourra-t-il vous supporter ? Où il y a charité, tout devient tolérable. « Appliqués à conserver l’unité d’esprit par le lien de la paix ». Liez-vous donc les mains par la douceur. Encore ce beau nom, les liens ; nous lui avons dit adieu, et voici qu’il revient de lui-même. Ils sont beaux, les liens dont nous parlions : ceux-ci le sont de même, et les uns proviennent des autres. Unissez-vous à votre frère : une telle union fait tout supporter sans peine, grâce à la charité. Unissez-vous à lui, et lui à vous ; ces deux choses sont entre vos mains : je fais mon ami de celui que je désire avoir pour ami. « Vous appliquant ». Il montre que ce n’est pas une chose toute simple, ni le fait du premier venu. « Vous appliquant à conserver l’unité d’esprit ».
3. Qu’est-ce que l’unité d’esprit ? De même que dans le corps il y a un souffle qui maintient l’union du tout, et fait un corps avec des membres disparates, c’est la même chose ici. Si l’esprit nous a été donné, c’est afin d’unir ceux que séparait la différence d’origine ou d’habitudes : Vieillard et jeune homme, pauvre et riche, enfant et adolescent, homme et femme, tous enfin, deviennent un seul tout, quelque chose ; de plus qu’un corps unique. Car cette harmonie spirituelle est plus parfaite que l’autre, cette union est plus étroite encore. La fusion des âmes est d’autant plus complète, qu’elle n’admet ni division ni distinction de parties. Et comment se maintient-elle ? « Par le lien de la paix ». Elle ne saurait subsister dans l’inimitié, dans la discorde. « Là où il y a des querelles parmi vous », est-il écrit, « des jalousies et des dissensions, n’êtes-vous pas charnels, et ne marchez-vous pas selon l’homme ? » (1Co. 3,3) Ainsi que le feu, s’il a affaire à du bois sec, fait de tout un immense bûcher, tandis que l’humidité s’oppose à ses progrès et à cette réunion ; rien de froid ne peut contribuer à l’unité dont je parle ; c’est en général le propre de ce qui est ardent. Voilà d’où naît le feu de la charité : c’est par le lien de la paix que Paul veut nous unir tous. Si vous vouliez vous attacher à une autre personne, vous ne pourriez