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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/499

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unissons-nous, qu’il n’y ait nulle ruse, nulle dissimulation entre nous. On ne trouve rien de pareil, là où règne l’amitié. Un autre sage l’a dit : « Quand vous aurez tiré l’épée contre un ami, ne désespérez pas ; car il y a encore du retour. Quand vous aurez ouvert la bouche contre votre ami, ne vous découragez pas : car il y a encore une réconciliation possible, pourvu qu’il n’y ait ni injures, ni révélation de secret, ni coup porté en trahison ». (Sir. 22,20) Voilà ce qui met en fuite l’amitié : la révélation d’un secret, dit le texte. Mais si nous sommes tous amis, il n’y a pas même besoin de secrets ; si l’on n’a pas de secrets avec soi-même, s’il est impossible de se rien cacher, il doit en être ainsi avec les amis. Or, s’il n’y a pas de secrets, voilà un motif de rupture supprimé. Si nous avons des secrets, c’est faute de nous fier à tout le monde : c’est donc le refroidissement de la charité qui a fait les secrets. Pourquoi un secret ? Veux-tu faire tort au prochain, ou l’empêcher de faire quelque profit, et te caches-tu de lui pour cette raison ? Mais il n’y a rien de pareil : et tu rougis ? C’est donc un signe que tu manques de confiance.
S’il y a charité, il n’y aura donc pas de révélation de secret : il n’y aura pas davantage d’injures. Dites-moi, en effet, qui pourrait injurier son âme ? On ne pourrait agir ainsi que pour lui être utile : c’est ainsi que nous faisons des reproches aux enfants, afin de les humilier. Et si le Christ autrefois éleva la voix contre certaines villes, en disant : « Malheur à toi, Chorazin, malheur à toi, Bethasaïda ! » (Lc. 10,13), c’était afin de les tirer de l’opprobre. En effet, rien n’est plus capable de toucher un cœur, de le réveiller, de le ranimer. Abstenons-nous donc de reproches inutiles. Quoi donc ! irez-vous vous plaindre pour une somme d’argent ? Nullement, si vous n’avez, à vous tous, qu’une fortune. Ou encore pour des fautes ? pas même pour ce motif vous, corrigerez plutôt… Le texte ajoute : « Ni coup porté en trahison ». Quoi donc ! on se tuera soi-même ? Qui frappera ? Personne. Recherchons donc la charité. L’Écriture ne dit pas simplement : Pratiquons, mais : Recherchons. Il faut beaucoup de zèle : la charité avait disparu, elle est prompte à la retraite. Il y a tant de choses en ce monde qui lui font la guerre. Si nous courons à sa poursuite, elle ne pourra nous échapper, nous l’attraperons sur-le-champ. La charité de Dieu a uni le ciel et la terre ; la charité de Dieu a fait asseoir l’homme sur le trône royal ; la charité de Dieu a montré Dieu sur la terre ; la charité de Dieu a converti le maître en serviteur ; la charité de Dieu a fait que le Bien-Aimé a été livré pour les ennemis, le Fils pour les rebelles, le Maître pour les serviteurs, Dieu pour les hommes, celui qui est libre pour les esclaves : et elle ne s’est pas arrêtée là ; elle nous a encore conviés plus haut. non seulement elle nous a délivrés de nos maux, niais elle nous a fait des promesses encore bien plus magnifiques. Remercions Dieu de tous ces bienfaits, et mettons-nous à la poursuite de toutes les vertus : avant tout soyons exactement fidèles au précepte de la charité, afin d’être jugés dignes des biens qui nous sont promis, par la grâce et la bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ, avec qui gloire, puissance, honneur au Père et au Saint-Esprit, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.