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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/513

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en rien de la lumière ? Alors elle est inférieure au soleil. Jusques à quand nous perdrons-nous dans ce labyrinthe ?

3. Mais l’eau ? n’est-elle pas aussi une divinité ? disent-ils. Quelle ridicule obstination ! Comment ne verrions-nous pas un Dieu dans ce qui nous sert à tant d’usages ? Voilà ce qu’on dit, et l’on répète la même chose pour la terre. Quelle vérité dans ces paroles : « Dans la vanité de leur esprit, ayant l’intelligence obscurcie de ténèbres ». Mais voici qui s’applique à la conduite. Les païens sont fornicateurs et adultères. Rien de plus naturel. Se forgeant des dieux pareils, ils ont une vie conforme à leurs croyances, et s’ils peuvent échapper aux yeux des hommes, personne n’est désormais capable de les retenir. – L’idée de la résurrection est impuissante ; ils la traitent de fable. De même pour l’enfer. Et contemplez cette aberration satanique. Quand on leur parle de dieux fornicateurs, ils ne voient pas là de fable, ils croient tout ; et quand on leur parle du châtiment, ils répondent : Inventions de poètes, afin de renverser toutes les bases de la vie bienheureuse.

Mais les philosophes, dira-t-on, ont inventé de belles doctrines, supérieures à celles-là de tout point. Comment ? Sont-ce ceux qui font jouer un rôle à la fatalité, excluent la Providence du monde, et attribuent tout, non à quelque dessein concerté, mais à une pure combinaison d’atomes ? Sont-ce ceux qui nous proposent un Dieu corporel ? Lesquels donc, dites-moi ? Ceux qui supposent que les hommes ressemblent par l’âme aux chiens, et veulent nous faire croire que l’on a été précédemment chien, lion, poisson[1] ? – Quand aurez-vous fini de déraisonner, de penser dans les ténèbres ? Tout prouve en effet qu’ils sont dans les ténèbres, leurs paroles, leurs actions, leurs doctrines, leurs démarches. Celui qui est dans les ténèbres ne voit rien de ce qui est sous ses yeux ; et souvent il prend une corde pour un serpent. S’il vient à s’accrocher à une palissade, il s’imagine qu’un homme ou un démon le retient : de là mille frayeurs, mille alarmes… Tels sont les objets de leur crainte : « Ils craindront où il n’y aura pas sujet de crainte ». Au contraire, ce qui devrait les effrayer ne les effraie point. Il en est des païens comme de ces enfants qui approchent leurs mains du feu sans précaution, s’élancent témérairement des bras de leurs nourrices vers la lumière des lampes, et qui tremblent à la vue d’un homme revêtu d’un sac. De même ces païens, à qui un des leurs[2] a dit justement : Grecs, vous êtes toujours enfants ; les païens, dis-je, craignent certaines choses qui ne sont point des péchés, comme la malpropreté, le deuil, le lit, l’attente, que sais-je encore ? Mais, quant aux péchés véritables, comme la sodomie, l’adultère, la fornication, ils n’en tiennent aucun compte. Ils se lavent quand ils ont touché un mort, mais non pas quand ils ont fait des œuvres de mort. Ils se donnent beaucoup de peine pour l’argent, et suspendent toute affaire, s’ils viennent à entendre le chant d’un coq, tant ils ont l’esprit aveuglé. Mille terreurs assiègent leur âme ; par exemple : Un tel est le premier qui m’ait rencontré, au moment où je sortais de chez moi ; nécessairement il va m’arriver malheur sur malheur. Mon coquin d’esclave, en me donnant mes chaussures, m’a présenté d’abord celle de droite : accidents fâcheux, injures. Moi-même, en sortant, j’ai avancé d’abord le pied gauche : présage de malheur. Voilà pour les mauvais présages de la maison ; dehors, un mouvement de mon œil droit m’annonce des larmes[3].

Les femmes tirent de même des pronostics des bruits que la navette et le peigne font rendre aux baguettes du métier ; si le peigne, promené avec trop de force sur la trame cause un cliquetis de baguettes, c’est pour elles encore un signe ; et on en citerait mille autres aussi ridicules. Qu’un âne vienne à braire, un coq à chanter, quelqu’un à éternuer, qu’il arrive quelque chose d’imprévu, aussitôt, comme je le disais, ces captifs, ces aveugles entrent en défiance, et montrent plus de craintes serviles qu’un millier d’esclaves. Ne les imitons pas ; sachons rire de tout cela, comme des hommes pour qui luit la lumière, comme des citoyens du ciel, qui n’ont rien de commun avec la terre, et ne craignons qu’une chose : pécher, offenser Dieu… Excepté cela, bravons tout avec le diable, auteur de ces chimères. En conséquence, rendons grâces à Dieu ; efforçons-nous et d’éviter nous-mêmes un pareil esclavage, et d’en arracher ceux de

  1. Les pythagoriciens.
  2. Platon.
  3. Le texte parait altéré ici.