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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/520

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HOMÉLIE XIV.


C’EST POURQUOI, QUITTANT LE MENSONGE, QUE CHACUN DISE LA VÉRITÉ AVEC SON PROCHAIN, PARCE QUE NOUS SOMMES MEMBRES LES UNS DES AUTRES. IRRITEZ-VOUS ET NE PÉCHEZ POINT ; QUE LE SOLEIL NE SE COUCHE POINT SUR VOTRE COLÈRE. NE DONNEZ POINT LIEU AU DIABLE. (IV, 25-27, JUSQU’A 30)

Analyse.

  • 1. Contre le mensonge.
  • 2. Nécessité de l’union.
  • 3 et 4. Contre les mauvaises paroles.

1. Après avoir parlé du vieil homme en général, voici qu’il le décrit en détail. L’enseignement le plus facile à comprendre est celui qui procède ainsi. Que dit-il donc ? « C’est pourquoi, quittant le mensonge ». Quel mensonge ? les idoles ? Nullement : elles sont bien, elles-mêmes, un mensonge : mais il ne s’agit pas d’elles ici ; car les Éphésiens n’avaient rien de commun avec elles : il s’agit du mensonge dans leurs relations mutuelles, de l’astuce, de la fourberie. « Que chacun dise la vérité avec son prochain ». Puis vient ceci, qui est plus persuasif : « Parce que nous sommes membres les uns des autres : en conséquence, que personne ne trompe son prochain » : c’est ainsi qu’on lit çà et là chez le psalmiste : « Des lèvres perfides sont dans son cœur, et dans son cœur il a dit le mal ». (Psa. 11,43) Il n’est rien, non rien, d’aussi propre à engendrer la haine que la tromperie et l’astuce. Voyez comme partout l’Écriture se sert, pour nous faire rentrer en nous-mêmes, d’exemples empruntés au corps. Que l’œil ne trompe pas le pied ; ni le pied, l’œil. Supposez une fosse profonde, recouverte par en haut de chaume que recouvre lui-même une couche de terre : les yeux à qui ce piège offrira l’apparence d’un terrain solide ne recourront-ils pas au pied pour s’assurer s’il n’y a par-dessous que du vide, ou bien un sol ferme et résistant ; le pied, alors, mentira-t-il, déclarera-t-il autre chose que la vérité ? Ou bien encore, si l’œil vient à apercevoir un serpent ou une bêle féroce, trompera-t-il le pied ? ne se hâtera-t-il pas de l’avertir, de telle sorte que le pied, instruit du péril, suspende sa marche ? Ou encore, quand le discernement n’est plus l’affaire de l’œil ni du pied, mais uniquement de l’odorat, quand il s’agit, par exemple, de reconnaître si un breuvage est, ou non, un poison, l’odorat en impose-t-il à la bouche ? Nullement. Pourquoi ? parce qu’il se perdrait lui-même : voilà pourquoi il communique son impression. Et la langue ? Est-ce qu’elle trompe l’estomac ? ne rejette-t-elle point ce qui est amer ? ne laisse-t-elle point passer ce qui est doux ? Considérez cet échange de services et de bons offices ; considérez cette sollicitude, cet empressement de sincérité. C’est ainsi que nous devons éviter le mensonge, si nous sommes membres les uns des autres. C’est un gage d’amitié, c’est tout le contraire de la haine. Et si l’on veut me tromper ? direz-vous. Écoutez la vérité : si l’on voulait vous tromper, on ne serait plus un de vos membres. II est dit : Ne mentez pas à vos membres.

« Irritez-vous, et ne péchez point ». Considérez sa sagesse. Il nous enseigne à éviter le péché, et, d’autre part, il n’abandonne point les indociles : il ne renonce point à ses entrailles spirituelles. C’est ainsi qu’un médecin indique au malade tout ce qu’il doit faire, et ne le néglige point, lors même qu’il résiste,