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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/521

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recommence, au contraire, à mettre en œuvre auprès de lui la persuasion afin de le guérir… Celui qui s’éloignerait dans ce cas, montrerait qu’il ne recherche que la gloire, et qu’un pareil mépris l’humilie : mais l’autre s’inquiétant seulement de la santé du malade, ne vise qu’à une chose, à son rétablissement. Ainsi fait Paul. Il dit : Ne mentez point : que si à la suite d’un mensonge, il s’est produit de la colère, il s’empresse d’apporter remède à ce nouveau mal. Que dit-il, en effet ? Irritez-vous, et ne péchez point. C’est une bonne chose que de ne point s’irriter : si cependant on se laisse emporter à cette passion, que ce ne soit pas, du moins, jusqu’à cet excès : « Que le soleil », dit-il, « ne se couche point sur votre colère ». Vous voulez vous rassasier de colère : une heure, deux, trois, vous suffisent : que le soleil en disparaissant ne vous laisse point en état d’inimitié. Il s’est levé par un effet de bonté : qu’il ne s’éloigne pas après avoir lui sur des indignes. Si c’est le Seigneur qui l’a envoyé dans sa bonté infinie, s’il vous a pardonné vos fautes et que vous ne les remettiez pas à votre prochain, voyez quel crime sera le vôtre. Autre chose : Saint Paul a eu peur de la nuit : il a craint que, trouvant dans la solitude l’offensé, encore dévoré de colère, elle n’attise l’incendie. Tant que le jour est là pour vous distraire par mille objets, vous pouvez vous rassasier de courroux : mais quand le soir va venir, réconciliez-vous, éteignez le naissant incendie. Car si vous vous laissez surprendre par la nuit, le jour suivant ne suffira pas lui-même à éteindre les colères amoncelées pendant la nuit : quand bien même vous vous seriez déchargé d’une partie de votre fardeau, si vous en conservez quelque chose, ce qui reste suffit pour rendre la flamme plus ardente à la faveur de la nuit. Quand le soleil n’a pas réussi à éclaircir, à dissiper par son ardeur, pendant le jour, les nuages et les brouillards amassés durant la nuit, ce qu’il en reste, bientôt augmenté d’autres, devient l’origine d’une tempête nocturne. « Ne donnez point lieu au diable ». Ainsi se faire mutuellement la guerre, c’est donner lieu au diable. Car alors, au lieu de nous unir et de nous serrer pour lui tenir tête, nous renonçons à lui faire la guerre pour nous exciter les uns contre les autres. Car le diable n’est nulle part à sa place comme au milieu des discordes.

2. De là naissent d’innombrables maux. Tant que les pierres demeurent unies et ne laissent point de vide entre elles, le mur est inébranlable : mais il suffit d’un trou de l’épaisseur d’une aiguille, d’une fente où puisse passer un cheveu, pour tout détruire et tout ruiner. Il en est de même pour le diable. Tant que nous restons bien unis, bien serrés, aucune de ses armes ne trouve passage : mais pour peu qu’une mince ouverture se montre, il se précipite par là comme un torrent. En toute chose, il n’a besoin que d’un commencement ; et la difficulté pour lui est de le trouver ; mais ce point une fois obtenu, il s’est bientôt mis au large. Dès lors les oreilles sont ouvertes à la calomnie ; les menteurs trouvent crédit car c’est la haine qui juge, et elle se soucie peu de la vérité. Et si, entre amis, les accusations fondées sont elles-mêmes réputées fausses, là où règne l’inimitié, le mensonge même est censé vérité : c’est un esprit tout autre, un tout autre jugement ; à l’impartialité succède la prévention. De même qu’il suffit d’un morceau de plomb jeté dans une balance pour l’entraîner, de même ici il suffit de la haine, poids bien plus lourd que le plomb. Je vous en conjure donc : faisons tous nos efforts pour étouffer nos ressentiments avant le coucher du soleil. Si vous n’avez pas su les vaincre le premier jour ou le jour suivant, souvent ils durent une année entière l’inimitié croît alors d’elle-même et sans nul secours étranger. Elle nous fait interpréter faussement les paroles, les gestes, les plus simples démarches ; par là, elle nous aigrit, nous rend farouches et pires que des insensés ; un nom même lui coûte à dire ou à entendre, elle ne sait plus que vociférer des injures. Comment donc faire pour dompter notre colère, pour éteindre notre rancune ? Il faut songer à nos propres péchés, au compte que nous devons à Dieu ; songer que la vengeance dirigée contre notre ennemi retombe sur nous-mêmes ; songez que nous faisons plaisir au diable, à notre véritable ennemi, en persécutant pour lui un de nos membres. Vous voulez être rancunier et vindicatif : soyez-le donc, mais contre le diable, et non contre un de vos membres. Si Dieu nous a armés de colère, ce n’est pas pour que nous nous frappions nous-mêmes de cette épée, c’est pour que nous la plongions dans la poitrine du diable. Là vous pouvez, si vous le voulez,