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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/523

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il revient ici encore sur un précepte qui lui est familier, en prescrivant à chacun d’édifier son prochain selon son pouvoir ? Si vous donnez ce conseil aux autres, avant tout, donnez-le à vous-même.

« Et ne contristez point l’Esprit-Saint ». Nouveau et plus grand sujet de crainte et d’effroi. Paul en parle aussi dans son épître aux Thessaloniciens, lorsqu’il dit (1Th. 4,8) « Celui qui dédaigne, ne dédaigne pas un « homme, mais Dieu ». C’est la même chose ici. Si vous proférez une parole outrageante, si vous frappez votre frère, ce n’est pas lui que vous frappez ; c’est l’Esprit que vous contristez. Suit la mention d’un bienfait qui rend le reproche plus sévère : « Et ne contristez point l’Esprit-Saint, dont vous avez reçu le sceau pour le jour de la rédemption ». Voilà celui qui a fait de nous un troupeau royal, celui qui nous a séparés de tout le passé, qui nous a tirés du milieu de ceux qui sont sous le coup de la colère divine : et vous le contristez ? Voyez quelle menace dans ces paroles : « Celui qui dédaigne, ne dédaigne pas un homme, mais Dieu » ; et quelle persuasion dans celles-ci : « Ne contristez pas l’Esprit-Saint, dont vous avez reçu le sceau ». Ce sceau doit rester sur votre bouche ; ne brisez pas le cachet. Une bouche spirituelle ne profère point de semblables paroles. Ne dites pas : Ce n’est rien que d’avoir dit une obscénité, que d’avoir injurié quelqu’un, C’est justement parce que ce n’est rien à vos yeux, que c’est un grand mal. On est prompt à négliger ce qu’on regarde comme rien : or, ce qu’on néglige s’accroît, et en s’accroissant devient incurable. – Vous avez une bouche spirituelle ? Songez à la première parole que vous avez prononcée, et voyez quelle est la dignité de votre bouche. Vous nommez Dieu votre Père, et voici que vous injuriez votre frère ? Demandez-vous à quel titre vous donnez à Dieu ce nom de : Père. Qui vous en donne le droit ? La nature ? Vous ne sauriez le prétendre. La vertu ? Pas davantage. Quoi donc ? Une bonté, une charité, une miséricorde infinie. Au moment donc où vous appelez Dieu votre Père, ne vous dites pas seulement qu’un langage injurieux ne sied pas à la noblesse d’une telle origine, mais encore que cette noblesse, vous la devez à la bonté. Ne la déshonorez donc point, en usant de dureté avec vos frères, vous que la bonté a favorisés. Vous appelez Dieu votre Père, et vous lancez l’outrage ? Cela n’est point d’un fils de Dieu… Le propre d’un fils de Dieu, c’est de pardonner à ses ennemis, de prier pour qui le crucifie, de verser son sang pour qui le hait. Ce qui sied à un fils de Dieu, c’est de prendre pour frères et pour héritiers ceux qui le haïssent, ceux qui le payent d’ingratitude, ceux qui le volent, l’outragent ou conspirent contre lui, et non d’injurier comme des esclaves ceux qui sont devenus ses frères.

4. Rappelez-vous les paroles que votre bouche a proférées ; de quels aliments se nourrit-elle, quel est le festin qui l’attire, le mets qui calme sa faim ? Vous croyez ne faire aucun mal en accusant votre frère ? Comment donc le nommez-vous votre frère ? Et s’il ne l’est pas, comment dites-vous : « Notre Père » ; car ce mot « Notre » atteste qu’il s’agit de plusieurs personnes. Songez auprès de qui vous vous trouvez au temps des mystères : avec les chérubins, avec les séraphins. Les séraphins ne disent point d’injures : leur bouche ne remplit qu’une seule fonction : glorifier, louer Dieu. Comment donc pouvez-vous dire avec eux : « Saint, saint, saint », après avoir abusé de votre bouche pour l’injure ? Dites-moi, supposez un vase royal, toujours plein d’aliments royaux, et mis en réserve pour cet usage ; qu’ensuite un des serviteurs s’en serve pour y déposer des immondices : osera-t-il ensuite replacer avec les autres vases mis en réserve celui qu’il aura profané de la sorte ? Nullement. Eh bien ! voilà la médisance, voilà l’insulte.

« Notre Père ». Eh bien ! est-ce tout ? Écoutez la suite : « Qui êtes aux cieux ». A peine avez-vous dit : « Notre Père qui êtes aux cieux » : cette parole vous a relevés, vous a donné des ailes, vous a fait voir que vous avez un Père dans les cieux. Que vos actions, vos discours, ne soient plus de la terre. Vous voilà établis là-haut, agrégés au chœur céleste, pourquoi redescendre volontairement ? Vous êtes debout auprès du trône royal, et vous injuriez, et vous ne craignez pas que le roi ne s’en trouve offensé. Si pourtant un de nos serviteurs, en notre présence, s’avise de frapper ou d’injurier, même justement, son compagnon, nous le réprimandons aussi, nous trouvant nous-mêmes offensés : et vous qui êtes debout avec les chérubins auprès du trône royal, vous insultez votre frère ? Vous voyez ces vases sacrés ? n’ont-ils pas toujours le même usage ?