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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/522

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l’enfoncer jusqu’à la garde, et plus haut que la garde, et ne jamais la retirer, que dis-je ? redoubler avec un autre glaive. C’est ce qui arrivera, si nous nous faisons grâce à nous-mêmes, si nous vivons en paix les uns avec les autres. Fi des richesses, fi de la gloire et de la renommée ! mes membres sont à mes yeux plus précieux que tout le reste. – Disons-nous cela à nous-mêmes : N’allons pas nous attaquer à notre propre substance, pour acquérir des richesses, pour obtenir de la gloire.

« Que celui qui dérobait ne dérobe plus (23) ». Voyez-vous les membres du vieil homme ? Mensonge, rancune, rapine. Pourquoi ne dit-il pas : « Que le voleur soit puni, mis à la question, à la torture », mais : « Qu’il ne dérobe plus, mais plutôt qu’il s’occupe en travaillant de ses mains à ce qui est bon, pour avoir de quoi donner à qui souffre du besoin ? » Où sont ceux qui s’appellent Cathares[1], ces hommes souillés qui osent se parer d’un tel nom ? On peut, oui, l’on peut se décharger de ses iniquités, à condition qu’on ne se borne pas à ne plus pécher, mais qu’on s’applique encore à quelque bonne œuvre. Voyez-vous comment il faut se purifier de ses fautes ? Ces hommes ont volé : c’est pécher ; ils n’ont pas volé : ce n’est pas là se décharger de ses péchés. Que faut-il pour cela ? Travailler, et donner aux autres : c’est par là qu’ils peuvent s’acquitter. Il ne nous est pas prescrit seulement de travailler, mais de travailler de manière à nous fatiguer, et à faire du bien aux autres : le voleur aussi fait un métier, mais un mauvais métier.

« Qu’aucun discours mauvais ne sorte de votre bouche (29) ». Qu’est-ce qu’un discours mauvais ? Ce qui est nommé ailleurs : Discours inutile, à savoir dénigrement, propos obscènes, bouffonneries, sottises. Voyez comment Paul extirpe les racines de la colère : le mensonge, le vol, les conversations déplacées ! Quant à cette expression : « Qu’il ne dérobe plus », elle est mise là moins par indulgence pour les coupables, que pour adoucir les victimes, et les engager à se contenter de n’avoir pas à craindre une récidive. Il a raison de parler aussi des paroles. Car nous ne répondons pas seulement de nos actions, mais encore de nos propos. « Mais seulement ceux qui peuvent être bons pour édifier la foi, et donner la grâce à ceux qui les écoutent ». En d’autres termes : dites seulement ce qui peut édifier le prochain, et rien de superflu.

3. En effet, si Dieu vous a donné une bouche et une langue, c’est pour lui rendre grâces, c’est pour édifier le prochain : si donc vous ne pouvez que ruiner l’édifice, il vaut mieux vous taire et ne jamais parler. Si les mains d’un maçon n’étaient propres qu’à détruire et non à bâtir, elles mériteraient d’être coupées. Le Psalmiste le dit : « Le Seigneur exterminera toutes les lèvres perfides ». (Psa. 11,4) Voilà l’origine de tous les maux, la bouche : ou plutôt ce n’est pas la bouche, mais l’abus qu’on en fait quelquefois. De là les injures, les invectives, les blasphèmes, les excitations à la volupté, les meurtres, les adultères, les vols, enfin tous les crimes. Les meurtres ? direz-vous ; et comment cela ? L’injure produit la colère ; la colère, les coups ; les coups, l’homicide. Et les adultères ? Une telle vous aime, elle a dit du bien de vous ; votre sévérité se relâche ; et, à votre tour, la convoitise s’allume chez vous. De là ces mots de Paul : « Mais seulement ceux qui peuvent être bons ». Il y a tant d’espèces de paroles, qu’il est bien forcé de désigner vaguement celles qu’il nous recommande de proférer, et le genre d’entretien qu’il nous prescrit. Comment le désigne-t-il ? En disant : « Pour édifier ». Ou bien il parle ainsi, afin que celui qui vous écoute vous sache gré. Par exemple, votre frère a commis un adultère : ne divulguez pas sa faute. Ne lui parlez pas non plus avec hauteur : loin de lui être utile, ce serait lui nuire, en provoquant son ressentiment. Mais vous lui rendrez un grand service, si vous lui indiquez la conduite à tenir ; si vous lui enseignez à veiller sur sa langue, à ne médire de personne, vous l’aurez instruit et obligé grandement : si vous l’entretenez de la componction, de la piété, de l’aumône, tout cela est bon pour adoucir son âme, et il vous en saura gré. Au contraire, si vous lui tenez des propos bouffons ou obscènes, vous ne faites qu’envenimer son mal ; si vous lui faites l’éloge du vice, vous le perdez, vous le tuez. Voilà ce qu’on peut dire : ou bien Paul a parlé ainsi pour nous rendre aimables : car les bonnes paroles sont comme un parfum : elles charment tous ceux qui y ont part. De là cette parole : « Votre nom est un parfum répandu ». (Can. 1,2) Paul veut que nous exhalions cette bonne odeur. Voyez-vous comment

  1. Ou les Purs : autre nom des Novatiens.