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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/527

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pouvoir de le faire naître ; et c’est par là surtout que les femmes tombent dans ces emportements. Viennent-elles à gronder leurs servantes, toute la maison retentit de leurs clameurs : souvent leur habitation est construite sur la rue, et alors tous les passants entendent et leurs vociférations et les lamentations de ta servante. Quoi de plus indécent ? Aussitôt toutes les curieuses s’empressent, et se demandent : que se passe-t-il donc là-bas ? On répond : C’est une telle qui frappe son esclave. N’est-ce pas le comble de l’effronterie ? Quoi donc ! est-il défendu de frapper ? Je ne dis pas cela il le faut, mais seulement de temps à autre et avec modération : et non pour des griefs personnels, comme je ne cesse de le répéter, ni pour quelque manquement, dans le service, mais seulement quand la servante nuit à sa propre âme : frappez-la pour ce motif, tout le monde vous approuvera, nul n’y trouvera à redire : mais s’il ne s’agit que de vous, alors tout le monde vous accusera de cruauté, de barbarie. Mais ce qui dépasse toutes les infamies, c’est qu’il y ait des femmes assez dures, assez féroces, pour fouetter avec une telle force que la journée ne suffise pas pour guérir les meurtrissures. Elles déshabillent ces jeunes filles, et souvent, en présence de leurs maris conviés à ce spectacle, les attachent sur un lit. Quoi donc ! la pensée de l’enfer ne te vient pas à l’esprit pendant ce temps-là ? Tu mets à nu cette jeune enfant, tu la livres dans cet état aux regards de ton mari, et tu ne crains pas qu’il te condamne ? Au contraire, tu te plais à l’exciter en menaçant d’enchaîner la pauvre malheureuse, en l’accablant de mille injures, en l’appelant sorcière, fugitive, prostituée, car la colère ne te permet pas de respecter ta propre bouche et tu ne songes qu’à te venger, même en te déshonorant.

Puis, comme un tyran, tu présides au supplice entouré de tous tes esclaves, et ton stupide mari, debout à tes côtés, remplit les fonctions de licteur. De telles scènes devraient-elles se passer chez des chrétiens ? Mais, dis-tu, c’est une mauvaise race, insolente, effrontée, incorrigible. Je le sais : néanmoins on peut la réformer et la corriger par des moyens plus efficaces et moins honteux. En disant de sales mots, toi, femme libre, tu flétris moins ta servante que toi-même. Ensuite, s’il faut aller au bain, les meurtrissures qui sont sur son dos, témoignent à tous les yeux de ta barbarie. Mais, répliques-tu, ces gens-là sont intolérables dès qu’on est indulgent. Je le sais aussi : emploie donc, pour les changer, non la crainte et les coups, mais la douceur et les bienfaits. Cette jeune fille est ta sœur, si elle est chrétienne. Songe que tu es la maîtresse et qu’elle te sert. Si elle est adonnée au vin, écarte d’elle les occasions d’ivresse, appelle ton mari, use d’exhortations. Ne vois-tu pas qu’il est honteux de battre une femme ? Les législateurs les plus sévères à l’égard des hommes, ceux qui ont institué la torture et le supplice du feu, sont rarement allés jusqu’au gibet pour ce qui regarde les femmes, et même ils ne souffrent pas qu’on les soufflette dans la colère. On a tant d’égards pour ce sexe, que la nécessité même ne les fait point condamner au gibet, surtout lorsqu’elles sont enceintes. C’est qu’il est honteux à un homme de frapper une femme à plus forte raison une personne du même sexe ne le pourrait-elle sans honte. Ce sont ces excès qui rendent les femmes odieuses à leurs maris.

Mais elle se conduit mal. Marie-la, ôte-lui les occasions de pécher, corrige l’exubérance de sa nature. Mais elle vole. Garde-la, surveille-la. O exagération ! je serai la gardienne de mon esclave ! O folie ! Pourquoi ne le serais-tu pas ? N’a-t-elle pas la même âme que toi ? N’a-t-elle pas reçu de Dieu les mêmes grâces ? N’est-elle pas admise à la même table ? N’a-t-elle pas la même noblesse d’origine ? Mais elle est médisante, querelleuse, bavarde, ivrogne. Que de femmes libres le sont aussi ! Dieu ordonne à leurs maris de les supporter avec leurs vices et leurs fautes ; pourvu que la femme ne soit pas adultère, a-t-il dit, résigne-toi. Fût-elle ivrogne, médisante, bavarde, jalouse, orgueilleuse, prodigue, c’est la compagne de ta vie. Tu es forcé de la diriger : c’est pour cela que tu es son chef. Corrige-la donc, fais ton devoir. – Quand bien même elle ne voudrait pas s’amender, quand bien même elle volerait, sois fidèle à ta mission : ne la punis point si sévèrement : si elle est bavarde, ferme-lui la bouche. Voilà la vraie, la parfaite sagesse. Et maintenant, des femmes en viennent à ce degré de cruauté et de folie, qu’elles découvrent la tête de leurs servantes et les traînent par les cheveux.

4. Pourquoi rougissez-vous toutes ? Ceci ne s’adresse pas à toutes, mais seulement à celles qui se portent à de pareilles horreurs… Que la femme ne soit jamais découverte, dit Paul :