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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/528

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et vous dépouillez complètement cette fille de son voile ? Voyez-vous quel outrage vous vous faites à vous-même ? Si elle paraissait à vos yeux avec cette tête nue, vous ; vous tiendriez pour offensée. C’est vous maintenant qui la découvrez ainsi, et vous ne voyez là aucun mal ? Mais on dira : Et si elle ne se corrige pas ? Châtiez-la au moyen de la verge et des coups. Combien n’avez-vous pas vous-même de défauts dont vous ne vous corrigez pas ? Ce n’est pas dans l’intérêt des servantes que je parle ainsi, mais dans celui des femmes libres comme vous, afin qu’elles renoncent à ces pratiques indécentes et honteuses, et qu’elles cessent de se nuire à elles-mêmes. Si vous faites votre apprentissage chez vous sur la personne de votre servante, si vous êtes bonne et douce pour elle, à plus forte raison serez-vous telle à l’égard de votre mari. Car si vous vous abstenez de toute violence, quand vous pourriez vous y laisser aller, à plus forte raison vous en abstiendrez-vous, lorsque quelqu’un vous contiendra. Ainsi, rien n’est plus propre à vous concilier l’affection de vos maris qu’une conduite patiente vis-à-vis de vos esclaves. « Avec la mesure qui vous sert pour mesurer, il vous sera mesuré à vous-mêmes ». (Mat. 7,2) Mettez un frein à votre langue. Si vous vous êtes exercée à supporter patiemment la mauvaise humeur d’une servante, vous entendrez sans colère jusqu’aux injures de votre égale : or, si vous êtes sans colère, vous avez atteint la cime de la sagesse.

On voit aussi des femmes qui vont jusqu’à jurer : rien de plus honteux qu’un pareil emportement. Mais quoi, dira-t-on, si elle se farde ? Empêchez-la de le faire, je vous approuve : mais empêchez-la d’abord en vous abstenant vous-même, et moins par la crainte que par l’exemple : en tout, soyez son modèle. « Que toute diffamation soit bannie du milieu de vous ». Voyez-vous les progrès du mal ? L’amertume a engendré le ressentiment ; le ressentiment, la colère ; la colère, les clameurs ; les clameurs, la diffamation, autrement dit, les invectives ; maintenant la diffamation engendre les coups ; les coups, les blessures ; les blessures, la mort. Mais Paul n’a voulu faire mention d’aucune de ces choses : il s’est borné à dire : « Soit bannie du milieu de vous, avec toute malice ». Qu’est-ce à dire, « Avec toute malice ? » C’est que toute malice aboutit là. Il y a des gens qui, pareils à des chiens sournois, n’aboient pas, ne témoignent pas de colère contre ceux qui les approchent : ils les flattent au contraire, se montrent caressants, puis, quand ils les voient sans défiance, les mordent : ceux-là sont plus dangereux que ceux qui manifestent ouvertement leur inimitié. C’est parce qu’il est des hommes qui sont chiens en ce point, qui sans crier, sans montrer de colère, de dépit, sans proférer de menaces, trament sourdement la trahison, machinent mille noirs complots, et se vengent, que Paul a fait aussi allusion à eux. « Soit bannie du milieu de vous, avec toute malice ». Ne soyez pas clément en paroles, vindicatif en actions. Si j’ai maltraité la langue, si je lui ai interdit les clameurs, c’est pour qu’elle n’attise pas l’incendie. Que si vous n’avez pas besoin de crier pour agir de la sorte, si vous nourrissez dans votre âme la flamme et le brasier, que gagnerez-vous à vous taire ? Ne savez-vous pas que les incendies les plus dangereux sont ceux qui, alimentés à l’intérieur, échappent aux regards des personnes du dehors ? Les blessures les plus graves, celles qui se dérobent à la vue ; les fièvres les plus malignes, celles qui dévorent les parties intérieures ? De même la colère la plus funeste est celle qui ronge l’âme sourdement. Mais Paul nous dit : Qu’elle soit bannie avec toute malice grande ou petite.

Croyons en sa parole, chassons du milieu de nous toute amertume, toute malice, afin de ne pas contrister l’Esprit-Saint. Extirpons l’amertume, déracinons-la : rien de bon, rien de pur ne peut sortir d’une âme où elle règne : ce ne sont que malheur, larmes, gémissements, lamentations. Ne voyez-vous pas comme nous fuyons les bêtes qui poussent des cris, par exemple, le lion, l’ours, mais non pas la brebis : car sa douce voix ne saurait être comparée à un cri. Parmi les instruments de musique, les plus bruyants comme les tambours, les trompettes, sont les moins agréables : tout au contraire, ceux qui rendent un son faible, comme la flûte et la cithare, plaisent à notre oreille. Arrangeons donc notre âme de manière à ne point crier : ainsi nous pourrons triompher de la colère ; et la colère ôtée, nous serons les premiers à jouir du calme, et nous voguerons vers le port paisible : auquel puissions-nous tous arriver