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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/532

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à plus forte raison doit-il en être ainsi de l’espèce humaine, qui est douée de la raison.

Mais il ne faut pas négliger un petit fait qui s’est offert précédemment à notre mémoire, et que nous avons produit en témoignage. De quoi s’agit-il ? Nous disions que les Juifs et leurs princes étaient accusés de rechercher le talion ; cependant la loi les y autorisait : « Œil pour œil, dent pour dent ». (Lev. 24,10) Mais cette loi n’avait pas pour but de les exciter à se crever mutuellement les yeux, mais bien de les contenir par la crainte, de les empêcher de faire du mal à autrui, ou d’être eux-mêmes maltraités. Si l’Écriture dit : « Œil pour œil », c’est pour lier les mains à votre ennemi, ce n’est pas pour armer les vôtres ; ce n’est pas seulement pour protéger vos yeux, c’est encore avec l’intention de préserver ceux de cet homme. Mais ce que je cherchais, c’est pourquoi cette vengeance permise exposait aux reproches ceux qui en faisaient usage. Qu’est-ce que cela veut dire ? C’est du ressentiment qu’il s’agit ici. La loi autorise l’offensé à rendre sur-le-champ la pareille, afin d’empêcher, comme je l’ai dit, les provocations. Quant au ressentiment, il est interdit ; car ce n’est plus le propre de la colère ni d’un courroux bouillant, mais d’une froide méchanceté ; tandis que Dieu pardonne à ceux que la provocation a pu jeter hors d’eux-mêmes et pousser aux représailles… De là : « Œil pour œil », et dans un autre endroit : « Les voies des rancuniers mènent à la mort ». (Pro. 12,29) Mais si à une époque où il était permis d’arracher œil pour œil, le ressentiment était puni si sévèrement, que sera-ce aujourd’hui, qu’il nous est ordonné de nous offrir spontanément aux injures. Fuyons donc la rancune, triomphons de la colère, afin de mériter la miséricorde divine. « Avec la mesure dont vous vous servez pour mesurer, il vous sera mesuré à vous-mêmes ; et d’après le jugement selon lequel vous aurez jugé, vous serez jugés ». Montrons-nous donc charitables et miséricordieux envers nos compagnons de servitude, afin d’échapper aux pièges qui nous sont tendus en ce monde, et d’obtenir, au jour du jugement, le pardon de Dieu, par la grâce et la bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ, avec qui, gloire soit rendue au Père et au Saint-Esprit, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.