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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/534

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plus que les dettes, qui doivent être remises. Car en remettant une dette, vous n’imitez pas Dieu, et vous l’imitez en remettant une offense. D’ailleurs comment pourrez-vous dire : Je suis pauvre, je ne puis remettre, si vous ne remettez pas les choses mêmes que vous pouvez remettre, et si vous considérez cela comme un sacrifice, au lieu d’y voir une richesse, un profit, un bénéfice ? « Soyez donc les imitateurs de Dieu ». Voici maintenant un autre motif encore plus noble : « Comme enfants bien-aimés ». Ce qui vous oblige à l’imiter, ce ne sont pas seulement ces bienfaits, c’est encore que vous êtes ses enfants. « Comme enfants bien-aimés ». S’il parle ainsi, c’est que tous les fils n’imitent point leurs pères, mais ceux-là seulement qui sont bien-aimés.

« Marchez dans l’amour ». Voilà le principe de tout : avec l’amour, plus de colère, de fureur, de clameurs, de diffamation ; tout disparaît. Voilà pourquoi il place en dernier lieu la chose essentielle. Pourquoi êtes-vous devenu enfant ? Parce qu’il vous a été pardonné… Pardonnez à votre prochain pour le même motif qui vous a valu à vous-même votre pardon. Dites-moi, supposez que vous soyez captif, réservé à mille tourments, et que quelqu’un vous introduise tout à coup dans la résidence du roi ; ou plutôt, prenons un autre exemple. Supposez que vous ayez la fièvre, que vous soyez à l’agonie, et que quelqu’un vous rende la santé au moyen d’un remède ; n’auriez-vous pas pour cette personne, et pour le nom même du remède, une vénération particulière ? Si les lieux et les temps où nous avons reçu quelque service nous deviennent aussi précieux que la vie, à plus forte raison doit-il en être ainsi pour les choses mêmes qui nous ont rendu service. Aimez la charité : car c’est par elle que vous avez été sauvés, par elle que vous êtes devenus fils ; s’il vous est donné, à votre tour, de sauver autrui, n’userez-vous pas du même remède, et ne prêcherez-vous pas à tous le précepte : Remettez, afin qu’il vous soit remis ? C’est le fait d’une âme reconnaissante, noble et généreuse qu’une pareille exhortation. « Comme le Christ nous a aimés ». Vous pardonnez à vous amis ; lui, il a pardonné à ses ennemis ; combien est plus admirable la conduite du Seigneur ! Comment donc observer le précepte renfermé dans ce mot : « Comme ? » N’est-il pas manifeste que ce sera en faisant du bien à nos ennemis ? « Et s’est livré lui-même pour nous, en oblation à Dieu, et en hostie de suave odeur ». Voyez-vous combien, c’est une offrande agréable et parfumée, que de souffrir pour ses ennemis ? Si vous mourez, vous serez une hostie ; c’est ainsi qu’on imite Dieu. « Que la fornication et toute impureté, ou l’avarice, ne soient pas même nommées parmi vous, comme il convient à des saints ».

Il a parlé de la colère, cette passion cruelle il arrive à un mal moindre. La preuve que la concupiscence est un mal moindre en effet, elle se trouve dans la loi de Moïse, laquelle dit d’abord : « Tu ne tueras point », ce qui est dirigé contre la colère, et passe ensuite à ceci, qui regarde la concupiscence : « Tu ne commettras point l’adultère ». En effet, si l’amertume, les clameurs, si la méchanceté, si la diffamation, et les autres choses de ce genre procèdent de la colère : c’est la concupiscence qui engendre la fornication, l’impureté, l’avarice ; c’est un même instinct qui nous fait aimer les richesses et la chair. Et de même qu’il a interdit le cri, comme étant le véhicule de la colère, de même ici il défend les propos légers ou obscènes, véhicule de la fornication. « Point de turpitudes, de folles paroles, de bouffonneries, ce qui ne convient point ; mais plutôt des actions de grâces ». Point de paroles, point d’actions galantes ou libertines, et vous éteindrez la flamme. « Qu’elles ne soient pas même nommées parmi vous » ; en d’autres termes : qu’elles soient complètement exclues. Il dit de même, en écrivant aux Corinthiens : « Il n’est bruit que de fornication parmi vous ». (1Co. 5,1) Il veut dire : Soyez tous purs ; car les discours acheminent aux actions. Ensuite, pour ne point paraître un censeur trop rigoureux, qui proscrit la gaieté même, il ajoute aussitôt la raison en ces termes : « Ce qui ne convient pas ; mais plutôt des actions de grâces ».

2. A quoi servent les propos joyeux ? À faire rire un moment. Dites-moi : est-ce qu’un cordonnier s’avisera de faire quelque chose qui ne concerne point son métier ? Achètera-t-il des instruments pour cet usage ? Nullement ce qui ne nous sert point est nul à nos yeux. Point de paroles inutiles, car nous tombons de là dans les propos coupables… Ce monde n’est point fait pour la joie, mais pour le deuil, les tribulations, les gémissements ; et vous