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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/54

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est plongé dans la mort ; elle lui rend la vie. « Venez, dit-elle, venez à moi ; vous tous qui êtes fatigués et accablés sous le faix » ; et elle n’ajoute pas : je vous tourmenterai, mais, « je vous soulagerai ». (Mt. 11,28) En effet le baptême ensevelit les péchés, fait disparaître le passé, donne la vie à l’homme, et imprime toute espèce de grâces dans son cœur, comme sur une table. Voyez donc, je vous prie, quelle est la dignité de l’Esprit-Saint ; puisque les tables qu’il grave valent mieux qua les anciennes, et puisqu’il produit une œuvre meilleure que la résurrection. Car la mort dont il délivre est pire que la première ; il y a entre ces deux morts la même différence qu’entre l’âme et le corps ; car c’est la vie de l’âme que donne le Saint-Esprit. Or si l’Esprit-Saint peut donner une telle vie, à plus forte raison peut-il en donner une moindre. Les prophètes ont pu rendre la Vie du corps, mais ils n’ont pu rendre la vie à l’âme. Personne ne peut remettre les péchés, excepté Dieu : Et encore, cette vie temporelle, les prophètes ne pouvaient la rétablir sans le secours de l’Esprit-Saint.
Ce n’est pas seulement en ce qu’il vivifie, que l’Esprit-Saint est digne de notre admiration ; mais aussi en ce qu’il communique à d’autres cette puissance. « Recevez le Saint-Esprit », dit le Sauveur. Pourquoi ? Est-ce qu’il ne pouvait conférer ce pouvoir, sans nommer le Saint-Esprit ? Assurément ; mais Dieu se sert de ces paroles pour montrer que l’Esprit-Saint a en partage l’essence divine et la puissance suprême, et que sa dignité égale celle des autres personnes. Aussi Jésus-Christ ajoute-t-il : « Ceux dont vous remettrez les péchés, ils leur seront remis ; ceux à qui vous les retiendrez, ils leur seront retenus ». (Jn. 20,22) Puisque nous avons recouvré la vie ; conservons-la toujours, et ne nous replongeons point dans la mort : « Car le Christ ne meurt plus ». (Rom. 6,10) Il est mort, mais une fois seulement, à cause de nos péchés, et il ne veut pas que nous soyons sans cesse ramenés au salut par la grâce. Autrement nous n’aurions aucun mérite ; et c’est pourquoi il veut que nous fassions quelque chose de notre côté. Travaillons donc et efforçons-nous de maintenir notre âme dans la vie. Or qu’est-ce que la vie de l’âme ? Vous pouvez en juger par celle du corps. On dit que le corps a de la vie, quand il s’avance d’un pas ferme et qui annonce la santé. Lorsqu’il tombe en défaillance ; lorsqu’il se meut péniblement, mieux vaudrait pour lui la mort que ce reste de mouvement et de vie. Ou bien encore, s’il ne dit rien de sensé, si toutes ses paroles sont déraisonnables, si ses yeux le trompent, mieux vaudrait qu’il fût mort.
De même une âme qui se porte mal, a beau sembler vivante ; elle est morte. Quand l’or lui paraît, non plus de l’or, mais quelque chose de grand et de précieux, quand elle ne se préoccupe plus de la vie future, quand elle rampe à terre, quand elle fait le contraire de ce qu’elle devra faire, elle est morte. Et d’où savons-nous que nous avons une âme ? N’est-ce point par ses actes ? Si donc elle cesse de remplir ses fonctions, elle est morte. Ainsi ; quand, loin de s’appliquer à la vertu, elle prend la bien d’autrui, elle se plonge dans le vice, comment pourrait-on dire qu’elle vit encore ? Vous marchez, il est vrai ; hais les animaux marchent aussi. Vous mangez et vous buvez ; mais les animaux en font autant. Votre corps est debout, et il se soutient sur deux pieds. Cela me prouvé que vous êtes un animal revêtu d’une forme humaine. En tout le reste vous ressemblez à l’animal ; vous n’en différez qu’en ce que votre corps est droit ; c’est là ce qui me trouble et m’épouvante : je crois avoir un monstre sous les yeux. Eh quoi ! Si je voyais un animal qui parle à la manière des hommes, dirais-je que cet animal est homme ? Non, je dirais que c’est un animal plus merveilleux que les autres. Comment croirais-je que vous avez une âme humaine, quand je vous vois lancer des ruades, comme les ânes ; avoir de la rancune, comme les chameaux ; vivre de rapines, comme les loups ; mordre, comme les ours ; voler, comme les renards ; aussi fourbes et rusés que, les serpents, aussi impudents que les chiens ? Comment, dis-je, pourrais-je croire que vous avez une âme ? Voulez-vous que je vous montre une âme – plongée dans la mort, et une âme qui a la vie ? Reportons-nous aux personnages de l’antiquité. Faisons paraître ce riche qui vivait au temps de Lazare, et nous comprendrons alors ce que c’est que la mort de l’âme. L’âme de ce riche était morte, et ses actions nous le montrent clairement. Elle ne faisait rien de ce que l’âme doit faire ; elle mangeait, elle buvait, elle se livrait au plaisir.
4. Ils ressemblent a ce riche, ceux, qui sont sans entrailles et sans pitié ; eux aussi, leur âme est plongée dans la mort. Elle a perdu toute