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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/553

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crainte ? Rien, au contraire, n’est plus propre à l’entretenir. La femme craint, mais elle aime ; elle craint son mari, en l’aimant, comme son chef ; elle l’aime comme un membre de son corps, attendu que la tête fait partie du corps entier. Si Dieu a donné l’autorité à l’un, prescrit à l’autre la soumission, c’est afin de faire régner la paix. C’est en vain qu’on chercherait la paix, là où règne l’égalité, soit que la famille reste sans maître, ou que tous y soient maîtres ; il y faut un pouvoir unique. Du moins cela est vrai des hommes charnels : car entre hommes spirituels, la paix régnera toujours. On a vu cinq mille âmes réunies, sans que personne réclamât aucun bien comme sa propriété, ni sortît de la dépendance commune : grande preuve de sagesse et de crainte de Dieu. Ainsi Paul a dit en quoi, consiste la tendresse, mais non en quoi consiste la crainte.

5. Et voyez comme il s’étend sur l’amour, et en rappelant l’exemple du Christ, et en insistant sur l’identité de chair, en disant : « A cause de cela, l’homme laissera son père et sa mère » ; sur la crainte, plus de détails. Pourquoi ? Parce que, ce qu’il veut voir régner surtout, c’est la tendresse. Qu’elle existe, tout le reste s’ensuit : en son absence, tout fait défaut. Celui qui aime sa femme, la trouvât-il médiocrement docile, saura tout supporter : pareillement, la concorde sera la chose du monde la plus difficile, si la liaison n’est pas resserrée par l’instinct impérieux de l’amour : quant à la crainte, elle ne saurait jamais produire un tel effet. Voilà pourquoi il insiste davantage sur ce point, qui est capital. Et en réalité l’avantage est pour la femme, à qui pourtant la crainte est ordonnée : l’obligation la plus essentielle est celle de l’homme qui doit aimer. Et si ma femme ne me craint pas ? dira-t-on. Aimez-la, payez votre contingent… Peu importe que les autres ne nous secondent pas : il faut obéir de notre côté. Par exemple, il est écrit : « Soumis les uns aux autres dans la crainte du Christ ». Mais si les autres ne pratiquent pas cette soumission ? Eh bien ! obéissez, vous, à la loi de Dieu. Il en est de même ici : La femme doit craindre, ne fût-elle pas aimée, afin qu’aucun obstacle ne vienne d’elle : et l’homme doit aimer sa femme, n’en fût-il pas craint, afin de ne pas se mettre lui-même en faute : car chacun a son devoir particulier. Voilà le mariage selon le Christ, le mariage spirituel, la génération spirituelle, qui ne procède pas du sang, que n’accompagne point la douleur. De ce genre fut la génération d’Isaac : écoutez plutôt ce que dit l’Écriture : « Et les pertes de Sara avaient cessé ». (Gen. 18,11) Voilà le mariage qui ne procède ni de la passion ni du corps, le mariage tout spirituel que contracte une âme jointe à Dieu par des liens ineffables que lui seul connaît. De là ces paroles : « Celui qui est uni au Seigneur est un seul esprit avec lui ». (1Co. 6,17)

Voyez-vous comme Paul s’applique à unir chair à chair, esprit à esprit ? Où sont les hérétiques ? Si le mariage était blâmé, l’Écriture n’emploierait point ces noms d’épouse et d’époux : elle ne dirait point en forme d’exhortation : « L’homme laissera son père et sa mère » ; elle n’ajouterait point : « Je le dis dans le Christ et dans l’Église ». En effet, c’est de l’Église que parle le psalmiste, en disant : « Écoute, ma fille, vois, penche ton oreille oublie ton peuple et la maison de ton père et le roi désirera ta beauté ». De là ces paroles du Christ : « J’ai quitté mon père, et je suis venu ». Mais ces mots par lesquels il annonce qu’il a quitté son Père, ne doivent pas vous représenter un déplacement pareil à ceux des hommes. On lit ailleurs qu’il est sorti, pour indiquer, non une véritable sortie, mais l’incarnation : c’est ainsi que doit être ici entendue cette expression, qu’il a quitté son Père. Pourquoi maintenant Paul n’a-t-il pas dit également de la femme. Elle s’attachera à son mari ? Pourquoi ? Parce qu’il parle de l’amour, et qu’il s’adresse à l’homme. Quant à elle, il lui parle de la crainte, et lui dit : « L’homme est le chef de la femme », et de plus : « Comme le Christ est le chef de l’Église » ; à l’homme, il parle de l’amour, il remet le sort de sa femme entre ses mains, il l’entretient du devoir d’aimer, afin de resserrer les liens de son attachement. Comment serait-il excusable, celui qui, après avoir quitté son père pour sa femme, délaisserait ensuite sa femme elle-même ? Ne voyez-vous pas de quel honneur Dieu a voulu faire jouir votre épouse, puisqu’il vous détache de votre père, pour vous enchaîner à elle ? Mais, dira-t-on, si je remplis mes devoirs, et que de son côté elle n’en fasse pas autant ? « Si l’infidèle se sépare, qu’il se sépare, car notre frère ou notre sœur n’est plus asservie en ce cas ».

Mais quand vous entendez dire. La crainte,