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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/566

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suggère ! quelle crainte cela réveille ! En d’autres termes, il vous sera mesuré avec la mesure dont vous vous serez servi vous-même. Craignez de vous entendre dire : « Mauvais serviteur, je t’ai remis toute cette dette ». – « Et qu’il n’y a pas chez lui acception de personnes ». C’est comme s’il disait : N’allez pas croire qu’il vous pardonne ce que vous aurez fait à votre esclave, à cause de cette qualité d’esclave. Car si les lois du monde, si les lois humaines mettent une différence entre la classe des hommes libres et celle des esclaves, la loi du Maître commun ignore ces distinctions, bienfaisante qu’elle est pour tous également, et assurant à tous part égale.

Que si l’on demande maintenant d’où vient la servitude, et comment elle s’est introduite dans la société humaine (questions fort goûtées de certaines personnes, et qui piquent vivement leur curiosité), je vous dirai : c’est l’avarice, la cupidité insatiable, ce sont les passions basses qui ont engendré la servitude. Noé n’avait pas de serviteur, ni Abel, ni Seth, ni les patriarches suivants. – L’origine de ce fait est un péché, l’irrévérence à l’égard des parents. Écoutez, enfants, comme quoi vous méritez de devenir esclaves, dès que vous êtes fils ingrats. Vous perdez alors tous tes privilèges de votre naissance : car on cesse d’être fils, du moment où l’on manque à son père. Mais si l’on cesse, dans ce cas, d’être fils, comment restera-t-il fils, celui qui offense notre Père véritable ? Il perd les droits de sa naissance, il est coupable envers la nature. Ensuite la guerre et les combats ont fait des prisonniers. Mais Abraham avait des serviteurs ? dira-t-on. Oui, mais il ne les traitait pas en serviteurs. Voyez comme Paul fait tout dépendre du chef : la femme, il faut qu’il l’aime ; les enfants, il faut qu’il les élève dans la discipline et la correction du Seigneur ; les serviteurs : « Sachant que le même Seigneur, le leur et le vôtre est dans le ciel ». Soyez donc bons et cléments, comme étant vous-mêmes des serviteurs. Maintenant, si vous le permettez, je vous répéterai au sujet des serviteurs, ce que j’ai dit précédemment des enfants : enseignez-leur la piété, et le reste ne manquera pas de venir à la suite.

Mais aujourd’hui, si l’on va au théâtre ou au bain, on traîne après soi tous ses serviteurs ; si l’on va à l’Église, il n’en est pas de même ; on ne les force pas de venir ici, d’écouter la parole. Et comment l’esclave écouterait-il, quand le maître lui-même a l’esprit tourné ailleurs ? Vous venez d’acheter un esclave ? prescrivez-lui d’abord ce que Dieu même commande, la douceur envers ses compagnons de servitude, le zèle pour la vertu. Chaque maison est une cité : chacun est roi dans sa maison. Qu’il en est ainsi de la maison des riches qui ont domaines, intendants, gérants sur gérants, c’est chose manifeste : mais je prétends que la maison du pauvre est elle-même une cité. Là aussi, il y a plusieurs autorités : par exemple, le mari a pouvoir sur la femme, la femme sur les serviteurs, les serviteurs sur leurs femmes ; les femmes et les maris sur leurs enfants. Ne vous semble-t-il pas qu’il est comme un roi, cet homme qui compte toute une hiérarchie de magistrats sous ses ordres, et n’a-t-il pas plus besoin que personne de savoir administrer et gouverner ? Celui qui connaît à fond cet art, sait aussi choisir des magistrats capables, et il ne manquera pas de faire de bons choix. Or, il y a dans la maison, comme un autre roi sans diadème, la femme ; et celui qui saura choisir ce roi, n’aura pas de peine à bien gouverner tout le reste. « Du reste, mes frères, fortifiez-vous dans le Seigneur (10) ». Il parle toujours ainsi, quand

3. N’avais-je pas raison de vous dire tout d’abord que la maison de chacun est une armée au complet ? Voyez plutôt ; chaque officier mis à son rang, voici maintenant que Paul arme les troupes, et les mène au combat. Si personne n’empiète sur le commandement d’autrui, si chacun reste à sa place, tout sera pour le mieux. « Fortifiez-vous dans le Seigneur, et dans la puissance de sa vertu » ; c’est-à-dire dans l’espoir en lui, grâce à son assistance. Après toutes ces prescriptions : ne craignez point, ajoute Paul, mettez votre espérance dans le Seigneur, et il vous rendra tout aisé. « Et revêtez-vous de l’armure de Dieu, afin de pouvoir tenir contre les embûches du diable (11) ». Il ne dit pas : Contre les attaques, contre les assauts, mais : « Contre les embûches ». C’est que cet ennemi ne nous fait pas une guerre ouverte, mais une guerre de surprises. Qu’est-ce à dire ? C’est-à-dire qu’il nous trompe, qu’il nous prend au piège, soit des paroles, soit des manœuvres, soit des feintes comme à la lutte. Par exemple, ce n’est jamais ouvertement qu’il nous