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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/565

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tremblement, non par bienveillance, mais pour se soumettre à la nécessité. Beaucoup, quand ils le peuvent sans se trahir, font du tort à leurs maîtres.

C’est ce genre de fraude que Paul prévient en disant : « Dans la simplicité de votre cœur, comme au Seigneur ; les servant non à l’œil a comme pour plaire aux hommes, mais comme des serviteurs du Christ, accomplissant de cœur la volonté de Dieu, faisant votre service de bon gré, comme pour le Seigneur et non pour les hommes ». Voyez combien de mots il lui a fallu pour inspirer ces bons sentiments : « De bon gré, de cœur ». En ce qui regarde la crainte et le tremblement, on trouve bon nombre de serviteurs qui n’en manquent pas vis-à-vis de leurs maîtres : les menaces du maître suffisent pour amener ce résultat. Mais Paul dit en outre : Montre que tu sers en serviteur, non d’un homme, mais du Christ ; fais que le mérite soit le tien, et non celui de la nécessité. C’est ainsi qu’il est recommandé à celui qui est maltraité, de se conduire ensuite de manière que cette épreuve tourne à son profit et à l’honneur de sa volonté. En effet, comme celui qui donne un soufflet n’est pas incité à cela par la volonté de celui qu’il outrage, mais par sa propre méchanceté, il nous est conseillé de tendre l’autre joue, afin de montrer que nous n’avons pas reçu l’offense à contre-cœur. Car celui qui ajoute volontairement à son affront, s’approprie ce qui n’était pas d’abord son ouvrage, en tendant l’autre joue, non content d’endurer le premier soufflet. La patience pourra, à la rigueur, être attribuée à la crainte : mais ceci ne pourra l’être qu’à une admirable sagesse ; et par là on fera voir que c’est aussi par sagesse qu’on a patienté. En ce qui concerne les esclaves, eux aussi doivent faire voir que leur résignation à la servitude est volontaire et non inspirée par une pure complaisance. Un complaisant n’est pas serviteur du Christ ; un serviteur du Christ ne songe pas à plaire aux hommes. Quel serviteur de Dieu pourrait s’inquiéter de cela ? Qui, s’en inquiétant, pourrait être serviteur de Dieu ? « De cœur, servant de bon gré ». Remarquez ces paroles : car on peut servir même en simplicité de cœur, et ne pas manquer à ses devoirs, sans pour cela faire tout son possible : on peut se borner à remplir strictement ses obligations : voilà pourquoi Paul demande qu’on serve de bon cœur, non par nécessité, volontairement, et non parce qu’on y est contraint. Si vous servez ainsi de bon gré, avec zèle, de cœur, à cause du Christ, vous n’êtes plus en servitude : cette servitude-là n’est autre que celle de Paul, qui s’écrie quelque part, tout libre qu’il était : « Nous ne nous prêchons pas nous-mêmes, mais Jésus-Christ Notre-Seigneur ; nous déclarant nous-mêmes vos serviteurs par Jésus ».

2. Voyez comme il vous relève de l’humiliation attachée à la servitude. Celui à qui l’on prend ses biens, s’il ajoute encore par des présents à ce qu’on lui a pris, ne passe plus pour la victime d’un vol, mais pour un homme généreux ; on cesse de le plaindre pour l’admirer : et son bienfait fait plus de honte au voleur, que n’a pu lui en faire, à lui, le larcin dont il a été dupe. De même pour le serviteur : s’il prodigue son activité, il fera voir sa grandeur d’âme ; et en montrant qu’il n’a pas senti sa perte, il fera rentrer en lui-même le détenteur de son bien. Servons donc nos maîtres en vue du Christ. « Sachant que chacun recevra du Seigneur la récompense de tout le bien qu’il aura fait, qu’il soit esclave ou libre ». Comme il était vraisemblable que beaucoup de maîtres, en qualité d’infidèles, ne seraient point touchés ni reconnaissants de la soumission de leurs esclaves, voyez comme il console ceux-ci et les empêche de douter de la rémunération, de désespérer de la récompense. De même que les obligés qui ne rémunèrent point leurs bienfaiteurs, les rendent créanciers de Dieu : ainsi les maîtres ne récompensent jamais mieux vos services que s’ils les laissent sans récompense : car alors c’est Dieu qui devient débiteur.

« Et vous, maîtres, faites de même envers eux (9) ». Qu’est-ce à dire : De même ? C’est-à-dire, servez-les avec zèle. Il est vrai qu’il n’emploie pas le mot, « Servir », mais par cette expression, « De même », il indique la même chose : le maître est lui-même un serviteur. Et que ce ne soit point par respect humain, mais avec crainte et tremblement, entendez, vis-à-vis de Dieu, redoutant qu’il ne vous reproche un jour votre dureté envers vos serviteurs. « Leur épargnant les menaces ». Ne soyez pas durs, veut-il dire, ni inhumains : « Sachant que le même Seigneur, le leur et le vôtre est dans le ciel ». Ah ! quelle idée cela