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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/568

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« Afin que vous puissiez, en jour mauvais, résister ». C’est maintenant au temps qu’il a recours pour nous rassurer… C’est l’affaire d’un moment, dit-il : ainsi il faut tenir bon ; ne cédez pas à la fatigue après le carnage. Si la guerre est déclarée, si telles sont les phalanges ennemies, si ce sont des êtres incorporels que ces princes, ces maîtres du monde, ces esprits de malice, comment, dites-moi, vous abandonnez-vous à la mollesse, au relâchement ? comment, désarmés, pourrons-nous vaincre ? que chacun se répète cela chaque jour, dès que la colère ou la concupiscence le domineront, dès qu’il soupirera après les douceurs d’une existence frivole. Écoutez saint Paul : « Nous n’avons point à lutter contre la chair et le sang, mais contre les princes et les puissances… Guerre plus terrible, lutte plus acharnée que les combats visibles. Songez depuis combien de temps votre ennemi lutte, dans quel but il combat, et tenez-vous sur vos gardes plus que jamais. Oui, dira-t-on : mais il faudrait bien que le diable n’existât pas tout le monde serait sauvé. Ainsi parlent quelques âmes faibles en quête d’excuses. Vous devriez remercier Dieu, mon ami, d’être à même de triompher, si vous le voulez, d’un pareil adversaire : et loin de là, vous vous plaignez, vous parlez comme un soldat lâche et fainéant. Il ne tient qu’à vous de connaître les endroits faibles ; regardez partout, fortifiez-vous. Ce n’est pas seulement contre le diable, c’est encore contre ses puissances que vous avez à combattre. Et comment lutter contre les ténèbres ? dira-t-on. En devenant lumière. Comment résister aux esprits de malice ? En devenant bons. Car la bonté s’oppose à la malice, et la lumière chasse les ténèbres : si nous sommes ténèbres nous-mêmes, nous serons pris infailliblement. Comment donc assurerons-nous notre triomphe ? En devenant, par la force de notre libre arbitre, ce qu’ils sont naturellement, je veux dire exempts de sang et de chair : c’est ainsi que nous les vaincrons.

Comme probablement ceux à qui il écrivait comptaient beaucoup de persécuteurs, il leur dit : N’allez pas croire que ce sont ces hommes qui vous font la guerre. Les démons qui opèrent en eux, voilà nos ennemis, voilà ceux que nous avons à combattre. Par là, il produit deux effets : d’abord de les rendre plus ardents au combat, puis d’exciter leur colère contre l’ennemi. Et pourquoi avons-nous à combattre des ennemis pareils ? Parce que nous avons de notre côté un auxiliaire invincible, la grâce de l’Esprit, et que nous avons été instruits dans l’art de combattre non les hommes, mais les démons. Mais si nous le voulons, nous n’aurons pas même besoin de lutter : il n’y a lutte que quand nous le voulons ; car telle est la vertu de celui qui habite en nous, qu’il a pu dire : « Je vous ai donné le pouvoir de marcher sur les serpents et les scorpions, et sur toute la puissance de l’ennemi ». (Luc. 10,19) II nous a donné toute liberté de lutter ou de ne pas lutter. Mais notre nonchalance est cause que nous avons à lutter. Car en ce qui concerne Paul, il n’avait pas à lutter, c’est lui-même qui nous l’apprend. « Qui nous séparera de l’amour de Jésus-Christ ? la tribulation, ou la détresse, ou la faim, ou la persécution, ou la nudité, ou le péril, ou le glaive ? » (Rom. 8,35) Ailleurs il dit : « Dieu écrasera Satan sous vos pieds promptement ». (Rom. 16,20) Il avait le diable sous ses ordres ; de là ces paroles : « Je te prescris au nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ, de sortir d’elle ». (Act. 16,18) Ce langage n’est pas celui d’un homme qui lutte. Car celui qui lutte n’est pas, encore vainqueur, celui qui est vainqueur ne lutte plus. Il l’a dompté, asservi. Pierre ne luttait pas non plus contre le diable : il faisait mieux que lutter. Des fidèles, des catéchumènes n’avaient pas de peine, non plus, à en triompher. Aussi saint Paul dit-il : « Car nous n’ignorons pas ses pensées ». (2Co. 2,11) C’est pourquoi il lui fut si supérieur en puissance. Il dit encore : « Il n’est pas étonnant que ses ministres se transfigurent comme des ministres de justice ». (Id. 11,15) Ainsi il connaissait tous ses stratagèmes ; rien ne pouvait le surprendre. « Déjà s’accomplit, dit-il encore, le mystère d’iniquité ». Mais c’est contre nous-mêmes qu’il faut lutter. En effet, écoutez ces autres paroles : « Je suis convaincu que ni anges, ni princes, ni puissances, ni vertus, ni choses présentes, ni choses futures, ne pourront nous séparer de l’amour du Christ ». Il ne dit pas simplement : « Du Christ », mais bien : « De l’amour du Christ ». Car bien des gens passent pour être unis au Christ, qui ne l’aiment point. non seulement, dit-il, tu ne me persuaderas pas, tu ne me persuaderas pas même de l’aimer moins. Mais si les puissances d’en haut n’avaient pas ce