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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/571

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enflammé leur courage, leur a rendu l’assurance, les a mis en bon ordre : maintenant il les arme : mais voyez comme il s’y prend. « Soyez donc fermes », dit-il. C’est le premier principe de l’art militaire : beaucoup de choses en dépendent. Aussi revient-il souvent sur ce point. Il dit ailleurs : « Debout, veillez » ; et encore : « Tenez-vous fermes ainsi dans le Seigneur » (1Co. 16,13) ; et encore : « Celui qui croit se bien tenir, qu’il prenne garde de ne pas tomber » (Phi. 4,1) ; et enfin : « Pour que vous puissiez, étant venus à bout de toutes choses, rester debout ». (1Co. 10,12) Il n’a donc pas en vue seulement une certaine attitude ; mais la fermeté dans cette attitude : quiconque est versé dans l’art de la guerre sait combien il est important de savoir se bien tenir. Si le maître qui instruit des athlètes leur recommande ce point avant tout autre, à plus forte raison est-ce une chose importante dans les combats et dans l’art militaire. Se tenir droit, c’est rester bien d’aplomb, sans s’appuyer sur personne ; c’est dans cette attitude qu’on discerne ce qui est réellement droit. Ceux qui sont vraiment droits se tiennent fermes : ceux qui ne se tiennent pas fermes, ne sauraient être droits : leur posture est nonchalante, abandonnée. Le voluptueux ne se tient pas droit ; il penche d’un côté, ainsi que le libertin, l’avare. Quiconque sait se tenir debout, est comme établi sur un fondement solide : et la lutte sera désormais sans difficultés pour lui. « Soyez donc fermes, ceignant vos reins de vérité ». Il ne parle pas ici d’une ceinture matérielle : tout, dans ce passage, se rapporte à l’ordre spirituel.

Et considérez comment il procède. Il commence par mettre la ceinture au soldat. Qu’est-ce que cela veut dire ? Il le voit abandonné au relâchement des passions, et ses pensées traînant à terre ; an moyen de la ceinture, il relève son vêtement, afin qu’il n’en soit pas embarrassé dans sa marche, et qu’il puisse courir sans être gêné. « Soyez donc fermes ; ceignant vos reins de vérité ». Il nomme ici les reins qui sont, pour ainsi dire, la base du corps, comme la carène est celle du vaisseau : c’est le fondement ; tout est bâti dessus, à ce que disent les médecins. C’est donc notre âme qu’il rend alerte, en ceignant nos reins : car ce mot est pris ici au sens figuré. Et si les reins sont à la fois la base de ce qui est au-dessous et de ce qui est au dessus, il faut dire la même chose de ces autres reins dont parle l’apôtre. Souvent, quand on est las, on pose ses mains à cette place comme sur un support solide, et l’on se soutient de la sorte ; et, à la guerre, la ceinture est destinée à maintenir, à consolider cette base de notre corps. Voilà pourquoi encore on se ceint pour courir : la ceinture consolide l’assiette sur laquelle nous reposons… Faisons donc ainsi pour notre âme, nous dit Paul : et quoi que nous fassions, nous serons fermes, ce qui est nécessaire aux soldats particulièrement. Oui, dira-t-on, mais on se ceint les reins avec une lanière de cuir. Quelle sera donc notre ceinture à nous ? Ce sera ce qui préside à nos pensées, je veux dire la vérité. « Ceignant nos reins de vérité ». Ainsi donc n’aimons aucun mensonge, conformons-nous dans toutes nos démarches à la vérité, ne nous trompons pas mutuellement : s’il s’agit de gloire, cherchons la vérité ; en fait de conduite, encore la vérité. Si nous savons nous entourer de ce rempart, nous ceindre de vérité, nous n’avons personne à craindre. Celui qui cherche la doctrine de vérité ne tombera pas à terre. Car ce qui n’est pas vrai procède de la terre : la preuve en est la servitude où vivent, à l’égard de leurs passions, tous les infidèles, qui se laissent conduire par leurs propres pensées. En conséquence, si nous sommes sages, nous ne désirerons point nous instruire dans les écrits des païens. Ne voyez-vous pas comme ces hommes sont lâches et indolents, incapables de comprendre au sujet de Dieu une idée un peu sévère, un peu relevée ? C’est qu’ils ne sont pas ceints de vérité. C’est pour cela qu’il n’y a pas de force dans leurs reins, ces réservoirs de la génération, ce fondement, solide des pensées. Aussi, rien de plus faible qu’eux.

2. Voyez-vous maintenant comment les Manichéens ne reculent devant aucune affirmation dans leur confiance en leurs propres lumières ? Dieu dit-on, n’aurait pu créer le monde sans matière. Qu’est-ce qui le prouve ? Des arguments puisés ici-bas, sur la terre, en nous-mêmes. En effet, dit-on, l’homme ne peut rien faire qu’à cette condition. Et Marcion, voyez-vous comment il parle : Dieu ne pouvait conserver sa pureté en se revêtant de chair. Qu’est ce qui le prouve ? C’est que les hommes ne le peuvent pas, répond-il : or, cela même est une fausseté. Valentin aussi rampe