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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/572

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sur la terre, en parle le langage : de même Paul de Samosate et Arius. Que prétend celui-ci ? Que Dieu ne pouvait engendrer en restant impassible. Qu’est-ce qui t’autorise à tenir ce langage, ô Arius ? Ce qui se passe ici-bas. Voyez-vous comme les pensées de tous ces hommes sont basses, rampantes, inspirées de la terre ? Voilà pour les dogmes. En ce qui regarde la vie maintenant, les fornicateurs, les avares, les amants de la gloire, que sais-je encore ? portent également une robe qui traîne à terre : ils n’ont pas cette solidité de reins qui permet de se reposer quand on est las : dès qu’ils sont fatigués, au lieu d’appuyer les mains sur leurs reins pour se raffermir, ils succombent à la lassitude. C’est le contraire pour celui qui est ceint de vérité ; d’abord, il ne se lassera jamais : en second lieu, même s’il se lasse, il trouvera dans la vérité même un point d’appui pour se reposer. Dites-moi, en effet : est-ce la pauvreté qui le fatiguera ? nullement. Car il se repose sur la vraie richesse, et par la pauvreté il connaîtra la pauvreté véritable. La servitude le fatiguera-t-elle davantage ? Nullement : car il connaît la vraie servitude. Sera-ce la maladie ? Pus davantage : « Ceignez vos reins, dit le Christ, et ayez dans vos mains les lampes allumées » (Luc. 12,35) ; de sorte qu’ils jouissent de la lumière inextinguible. Les Israélites reçurent le même ordre à la sortie d’Égypte, et ils étaient ceints en mangeant la pâque.

Et pourquoi, dira-t-on, mangèrent-ils ainsi ? Voulez-vous en savoir la raison historique ou la raison anagogique ? Je vous les dirai l’une et l’autre : retenez-les : car je ne me propose pas seulement de vous expliquer l’énigme, je veux encore que mes paroles profitent à votre conduite. « Ils étaient ceints, dit l’Écriture, le bâton à la main, les chaussures aux pieds, et c’est ainsi qu’ils mangeaient la pâque ». (Exo. 12,11) Mystère redoutable, profond, sublime. Que s’il était tel en figure, à plus forte raison l’est-il en vérité. Ils sortent d’Égypte : ils mangent la pâque. Voyez, leur costume est un habit de voyage, des chaussures, le bâton à la main, manger debout : tout cela n’a pas d’autre sens. Voulez-vous que je commence par l’histoire ou par l’anagogie ? Par l’histoire, cela vaut mieux. Que signifie donc l’histoire ?

Les Juifs étaient ingrats, ils ne cessaient d’oublier les bienfaits de Dieu. Voulant donc leur rendre la mémoire en dépit d’eux-mêmes, il institue ce rite pour le banquet de la pâque. Pourquoi ? Afin qu’obligés chaque année d’observer cette loi, ils se souvinssent nécessairement du Dieu qui les avait délivrés. Ce n’est donc pas seulement par un anniversaire que Dieu a voulu perpétuer le souvenir de ses bienfaits, mais encore par le costume prescrit aux convives. Car s’ils sont chaussés et ceints pour manger, c’est afin qu’ils puissent répondre, si on les interroge : Nous étions prêts pour le départ ; nous allions quitter l’Égypte pour la Terre promise. Voilà l’histoire : voici maintenant la vérité. Nous aussi nous mangeons une pâque, laquelle est le Christ « Notre pâque, le Christ a été immolé » (1Co. 5,7) Ainsi donc nous mangeons une pâque, nous aussi, et une pâque bien supérieure à celle dont parlait la Loi. Donc nous devons aussi être chaussés, et ceints pour manger. Pourquoi ? afin que nous soyons prêts, nous aussi pour le départ, pour la sortie d’ici-bas. Ce n’est pas à l’Égypte qu’il faut songer quand on mange cette pâque, c’est au ciel, à la Jérusalem d’en haut. Si vous êtes ceint et chaussé pour manger, c’est afin que vous sachiez qu’au moment où vous commencez à manger la pâque, vous êtes destiné à une émigration, à un voyage. Deux choses sont indiquées par là : la première, c’est qu’il faut sortir d’Égypte ; la seconde ; c’est que ceux qui restent, y sont désormais comme en pays étrangers : « Notre cité est dans les cieux, est-il écrit ». (Phi. 3,20). C’est que nous devons toujours être préparés, de sorte que, si l’on nous appelle, nous ne cherchions pas à gagner du temps, et que nous disions : « Notre cœur est prêt ». (Psa. 107,2) Mais si Paul pouvait dire cela, lui à qui sa conscience ne reprochait rien, moi qui ai besoin de bien du temps pour me repentir, je ne saurais le dire. Néanmoins, la preuve qu’il est d’une âme vigilante de rester ceinte, elle se trouve dans les paroles de Dieu à un juste fameux : « Non, mais ceins tes reins comme un homme : je t’interrogerai ; toi, réponds-moi ». (Job. 38,3)

Il dit la même chose à tous les saints, la même chose à Moïse : et lui-même se montre ceint dans Ézéchiel. Que dis-je ? les anges mêmes nous apparaissent ceints comme étant des soldats… Quand on est ceint, on se tient ferme ; et ceux qui sont fermes se ceignent.