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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/589

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aussi au Père, et tout entre eux est commun « Car tout ce qu’a mon Père est à moi ». (Jn. 16,15) Il leur dit donc qu’ils se sont séparés même du Père, puis il leur adresse deux reproches : pourquoi s’en sont-ils séparés ? pourquoi l’ont-ils fait si vite ? Et certes, s’ils avaient agi autrement, s’ils ne s’en étaient séparés qu’après un long temps, ils mériteraient des reproches : mais ici il s’agit d’une œuvre de séduction. Il mérite le blâme celui qui apostasie après un long temps, mais celui qui succombe au premier choc, et dès les premières escarmouches… Quelle preuve de faiblesse C’est aussi ce qu’il leur reproche, quand il dit : Quoi donc, vos séducteurs n’ont pas même besoin d’attendre, il leur suffit de faire un pas pour vous changer tous entièrement et s’emparer de vous ! Quelle excuse aurez-vous ? Si une pareille conduite à l’égard de ceux qui ont de l’affection pour nous est blâmable, et si celui qui abandonne ses premiers, ses bons amis, mérite d’être condamné, à quel châtiment est exposé, songez-y, celui qui s’esquive quand Dieu l’appelle. Quand Paul dit : « Je m’étonne », il ne parle pas ainsi seulement pour les faire rentrer en eux-mêmes, eux qui, après de tels bienfaits, après un pardon si complet de leurs péchés et une si grande indulgence, sont allés comme des transfuges se soumettre au joug de l’esclavage : il veut encore leur faire savoir quelle grande et quelle bonne opinion il avait d’eux. Car s’il les avait regardés comme des hommes ordinaires et faciles à tromper, il n’aurait pas été surpris de ce qui était arrivé ; mais comme vous êtes de braves gens, dit-il, et que vous avez passé par beaucoup d’épreuves, cela m’étonne de vous. Il suffisait de cette réflexion pour les reconquérir à la foi, et pour les ramener à leurs premières croyances. C’est aussi ce qu’il leur fait comprendre, vers le milieu de son épître, quand il dit : « C’est donc en vain que vous avez subi tant d’épreuves, si toutefois c’est en vain ! »
« Que vous vous détachiez si tôt… » ; il n’a pas dit : « Que vous vous soyez détachés », mais. « Que vous vous détachiez ». C’est comme s’il disait : Je ne crois pas encore, je ne pense pas que la séduction soit consommée. On sent encore ici la préoccupation d’un homme qui veut gagner les cœurs qu’il a perdus. Et cette préoccupation, il la laisse éclater encore plus, quand il dit : « Pour moi j’ai confiance en vous, je suis convaincu que vous n’aurez pas d’autres sentiments ». (Gal. 5,10) « Je m’étonne que vous vous détachiez de Celui qui vous a appelés à la grâce du Christ ». Cet appel, c’est Dieu qui le fait, mais c’est le Fils qui en est cause : c’est lui qui nous a réconciliés avec son Père et qui est l’auteur du bienfait, car nous n’avons pas été sauvés par nos œuvres de justice. Bien plus, les œuvres de l’un sont les œuvres de l’autre, « Car ce qui est à moi est à vous », dit le Christ, « et ce qui est à vous est à moi ». (Jn. XVII 10) Il n’a pas dit : Vous vous détachez de l’Évangile, mais : « De Celui qui vous a appelés, de Dieu ». Il s’est servi des termes les plus propres à effrayer, à frapper les Galates. Ceux qui voulaient les séduire, ne s’y prenaient pas brusquement ; mais peu à peu ils les écartaient du fond des choses, tout en ayant l’air de respecter les noms. C’est ainsi que le diable s’y prend pour nous décevoir, il se garde bien de laisser voir ses pièges. S’ils avaient dit aux Galates : Renier le Christ, ceux-ci auraient pensé qu’ils avaient affaire à des séducteurs dangereux, et se seraient tenus sur leurs gardes. Mais comme ils leur permettaient, en attendant, de demeurer dans la foi, et qu’ils abritaient leur tentative de séduction sous le nom de l’Évangile, ils sapaient en toute sécurité l’édifice de la religion. Les mots dont ils se servaient, servaient à cacher, comme derrière un voile, leur travail souterrain.
6. Comme ils donnaient à leurs fausses doctrines le nom d’Évangile, Paul les attaque sur l’emploi qu’ils faisaient de ce mot, et il le déclare sans détour : « Pour passer à un autre Évangile ; non pas qu’il yen ait un autre… (7) ». Réflexion très-juste, car il n’y en a point d’autre. Cependant il est arrivé que ce passage a produit sur les partisans de Marcion le même effet que des mets sains sur ceux qui sont malades. Marcion s’en est emparé et s’est écrié : Voici que Paul a dit, qu’il n’y a pas un autre Évangile. Ni lui ni ses disciples n’admettent tous les évangélistes : ils n’en reconnaissent qu’un seul, encore l’ont-ils mutilé et bouleversé pour lui faire dire ce qui leur convenait. – Que veut donc dire ce même Paul par ces paroles : « Salon mon Évangile, et « selon la doctrine de Jésus-Christ ? » (Rom. 16,25) De semblables arguments méritent bien qu’on en rie, cependant tout ridicules