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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/590

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qu’ils sont, il est nécessaire de les réfuter à cause de ceux qui se laissent duper facilement. Que dirons-nous donc ? Nous dirons que, quand bien même des milliers d’hommes auraient composé des Évangiles, ces nombreux Évangiles n’en formeraient qu’un seul, s’ils contenaient les mêmes choses. La multitude des évangélistes ne saurait empêcher l’unité de l’Évangile. Au contraire, si c’était un seul écrivain qui eût pris la plume mais qui eût écrit des choses contradictoires, son œuvre serait dépourvue d’unité. L’unité ou la non-unité se juge non d’après le nombre des auteurs, mais d’après l’identité ou la diversité des choses. C’est à cela qu’on reconnaît clairement que les quatre Évangiles ne sont qu’un seul Évangile. Puisque tous les quatre disent les mêmes choses, il ne faut pas que la diversité d’auteurs nous y fasse voir une diversité d’Évangiles ; au contraire leur unité doit résulter pour nous de leur concordance. Ici Paul n’a point eu vue le nombre des personnes, mais la diversité des choses. Si l’Évangile de saint Mathieu est autre que celui de saint Luc et pour le sens et pour l’orthodoxie, ils font bien de s’appuyer sur cette parole de Paul mais si ces Évangiles n’en forment qu’un, qu’ils cessent de déraisonner, qu’ils ne feignent plus d’ignorer ce qui est évident même pour des petits enfants. « Mais il y a des gens qui vous troublent, et qui veulent renverser l’Évangile du Christ ». C’est-à-dire, tant que votre esprit restera sain, tant que votre vue restera nette et ne se troublera pas, tant que vous ne vous imaginerez pas que vous voyez ce qui n’est point, vous ne reconnaîtrez pas d’autre Évangile. Quand nos yeux sont troublés, ils voient autre chose que ce qui existe ; il en est de même de notre esprit, il éprouve les mêmes désordres quand il a été troublé et désorganisé par des raisonnements pernicieux. C’est ainsi que l’imagination des fous prend une chose pour une autre. Mais la folie de l’erreur religieuse est plus dangereuse que celle-là- : elle exerce sa funeste influence non pas dans le domaine des sens, mais dans le domaine de l’esprit ; elle trouble, non pas la prunelle des yeux de notre corps, mais les yeux de notre intelligence. – « Et qui veulent renverser l’Évangile du Christ ». Ces hommes n’imposaient aux Galates qu’une ou deux coutumes nouvelles, la circoncision et l’observation du sabbat ; mais Paul veut montrer qu’une légère atteinte compromet l’ensemble de la foi ; et il dit qu’ils renversent l’Évangile. De même que celui qui, dans une pièce de monnaie rogne quelque chose de l’effigie du prince, lui enlève toute valeur, dé même celui qui détruit seulement une petite partie de la foi orthodoxe, la compromet tout entière, car ce premier changement en amène d’autres de plus en plus pernicieux.
Où sont-ils donc ceux qui nous accusent d’humeur querelleuse, parce que nous ne sommes pas d’accord avec les hérétiques ? Où sont-ils maintenant ceux qui disent qu’entre nos adversaires et nous il n’y a point de différence de doctrine, mais que toute la lutte provient de notre esprit de domination ? Qu’ils écoutent les propres paroles de Paul : d’après lui, celui qui veut introduire le plus mince changement dans l’Évangile, le renverse. Or ce n’est pas un mince changement que celui qui est proposé par nos adversaires. N’est-ce rien, en effet, que de dire avec eux que le Fils de Dieu n’est qu’une créature ? N’as-tu pas appris dans l’Ancien Testament, qu’un homme ayant ramassé du bois un jour de sabbat, fut puni du dernier supplice pour avoir violé un des commandements de Dieu, et certes ce n’était pas le plus important ? et qu’Os. ayant soutenu l’arche qui allait se renverser, mourut sur-le-champ, parce qu’il avait empiété sur des fonctions qui n’étaient pas les siennes ? Quoi ! le fait de n’avoir pas observé le sabbat et d’avoir porté la main sur l’arche qui allait tomber a tellement excité l’indignation de Dieu, qu’il a jugé indignes de tout pardon ceux qui s’en étaient rendus coupables, et celui qui a porté la main sur des dogmes sacrés et redoutables, celui-là pourra se justifier et obtenir son pardon ? Non, non. Et voilà précisément la cause de tous ces maux, notre apathie devant ces innovations si petites qu’elles soient. C’est ainsi que des désordres plus grands se sont glissés à la suite de ceux qui étaient moindres et qu’on n’avait pas réprimés. Et de même que ceux qui négligent les lésions du corps humain y font germer la fièvre, la gangrène et la mort, de même ceux qui négligent de porter remède aux troubles de l’âme quand ils ont encore peu de gravité, sont cause que la désorganisation devient plus profonde. Un tel, dira-t-on, n’a pas observé rigoureusement le jeûne, ce n’est pas grave ; un autre, ferme du reste dans