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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/592

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pas que c’est la colère ou l’exagération qui dicte ses paroles, ou qu’il cède à un entraînement passager, il revient sur le même sujet. Celui que là colère emporte parle au risque d’avoir à se repentir bientôt : celui qui revient sur ce qu’il a dit pour y insister encore, montre qu’il a parlé ainsi en connaissance de cause, et qu’il ne s’est décidé à prendre la parole qu’après mûre réflexion. Abraham, à la prière qui lui était faite d’envoyer Lazare parmi les hommes, répondit : « Ils ont Moïse et les prophètes : s’ils ne les écoutent pas, ils n’écouteront pas davantage les morts s’ils ressuscitent ». (Lc. 16,29, 31) Le Christ nous représente Abraham tenant ce langage, pour nous faire comprendre qu’il veut qu’on ait plus de confiance dans les Écritures que dans le témoignage des morts qui ressuscitent. Paul (quand je parle de Paul, je parle aussi du Christ, car c’est lui qui inspirait Paul) met les Écritures au-dessus de la parole des anges mêmes descendus du ciel : et certes il a raison. Les anges, tout grands qu’ils sont, ne sont que les serviteurs et les ministres de Dieu, tandis que les Écritures nous viennent toutes non des serviteurs de Dieu, mais du Maître de l’univers, de Dieu lui-même. Aussi Paul dit-il : Si quelqu’un vous enseigne un Évangile différent de celui que je vous ai enseigné. Et il n’a pas dit : Si un tel ou un tel. Son langage est un modèle d’habileté et de tact. Qu’avait-il besoin ensuite de nommer personne lui qui avait poussé si loin l’hyperbole qu’il avait tout embrassé dans sa menace d’anathème, et le ciel et la terre. En n’épargnant ni les évangélistes ni les anges, il n’exceptait aucune dignité ; en ne s’épargnant pas lui-même, il comprenait tout ce qui pouvait le toucher de plus près. Ne me dites pas : « Tes compagnons d’apostolat, tes amis tiennent ce langage », car je ne demande pas de pitié pour moi, s’il m’arrive d’en faire autant. Si Paul parle ainsi, ce n’est pas qu’il condamne les apôtres, ou que ceux-ci faussent le dogme évangélique, loin de nous une pareille supposition. C’est dans le cas, dit-il, où, soit eux, soit moi, nous prêcherions une telle doctrine. Il veut montrer que l’autorité des personnes n’est rien, quand il s’agit de la vérité.
« Car enfin, est-ce des hommes ou de Dieu que je désire maintenant d’être approuvé ? ou ai-je pour but de plaire aux hommes ? Si je voulais encore plaire aux hommes, je ne serais pas serviteur du Christ (10) ». Si je vous trompais, dit-il, quand je vous tiens ce langage, pourrais-je échapper à ce Dieu qui connaît nos secrètes pensées, et auquel je me suis toujours efforcé de plaire ? Voyez-vous cette fierté de l’apôtre ? Voyez-vous cette sublimité évangélique ? C’est aussi ce qu’il disait aux Corinthiens, quand il leur écrivait : « Nous ne vous présentons pas notre apologie, mais nous vous donnons occasion de vous glorifier à notre sujet » (2Cor. 5,12) ; et une autre fois : « Pour moi, je me mets fort peu, en peine d’être jugé par vous, ou par quelque homme que ce soit ». (1Cor. 4,3) Comme il est obligé lui, le maître, de se justifier devant ses disciples, il se soumet à cette épreuve, et s’en indigne, non par un sot orgueil, loin de là, mais parce qu’elle révèle toute la faiblesse d’esprit de ceux qui s’étaient laissé égarer, et le peu de solidité de leur foi. Voilà pourquoi il leur a adressé ces paroles qui peuvent se traduire ainsi : Est-ce que j’ai affaire à vous ? Est-ce que des hommes vont me soumettre à leurs jugements ? Nous n’avons affaire qu’à Dieu, et nous réglons toutes nos actions en vue du compte que nous aurons à lui rendre là-haut, et nous ne sommes pas tombé si bas que nous songions à corrompre le dogme, nous qui devons un jour avoir à répondre de notre enseignement devant le Maître souverain.
8. C’est ainsi qu’il leur parla, se justifiant en même temps qu’il résistait à leurs prétentions. Car il convenait à des disciples non de juger, mais de croire leur maître. Mais puisque les rôles sont changés ; heur dit-il, et que vous vous êtes établis en tribunal, apprenez que je n’ai pas besoin de parler longuement pour me justifier devant vous, et que toutes mes actions ont Dieu peur but, et que c’est son approbation que je cherche pour la manière dont j’enseigne ses dogmes. Celui qui veut persuader les hommes emploie souvent des moyens détournés, il a recours à la tromperie et au mensonge pour s’emparer de l’esprit de sus auditeurs ; mais celui qui cherche à persuader Dieu et qui s’efforce de lui plaire, doit avoir l’âme simple et pure : on ne peut tromper Pieu. Il est donc bien évident, ajoute-t-il, que nous aussi, quand nous écrivons cela, nous ne sommes poussés ni par le désir de dominer, ni par le désir d’avoir des disciples, ni par le désir de nous faire une réputation parmi vous : ce n’est point aux hommes que